La période de maraudage syndical dans l'industrie de la construction pourrait bien mener à de nombreux changements d'allégeance cette année, affirment des syndicats, qui ne cachent pas leur désir de recruter des travailleurs frustrés par la controverse qui mine la FTQ-Construction.

«Il y a une grande insatisfaction par rapport à ce qui s'est passé à la FTQ, a affirmé le président de la CSN-Construction, Alain Mailhot. On s'attend à ce que plus de personnes passent chez nous à cause de ce qui s'est passé.»

Au cours du mois de mai, cinq centrales syndicales tenteront de séduire les 143 000 ouvriers de ce secteur. À la clé, la négociation de la convention collective de tous les travailleurs. La loi prévoit que l'organisation ou l'alliance qui représente au moins 50% des ouvriers sera désignée à la table des négociations.

Avec quelque 67 000 membres (44% du total), la FTQ-Construction est de loin le plus important syndicat dans ce secteur, mais elle a été plongée dans l'embarras par plusieurs révélations au cours des dernières semaines.

Son ex-directeur général, Jocelyn Dupuis, s'est notamment fait rembourser des notes de frais de 125 000$ en six mois. Il s'est notamment fait payer, à même les cotisations des membres, des bouteilles de vin à 200$ et des repas de 3000$, avec l'approbation du syndicat.

M. Dupuis faisait aussi l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec dans une affaire de blanchiment d'argent au moment où la direction de la FTQ l'a forcé à démissionner avec le président Jean Lavallée.

Afin de séduire les syndiqués de la FTQ-Construction frustrés par les agissements de leurs ex-dirigeants, la CSN-Construction affirme que des comités de surveillance vérifient scrupuleusement les agissements de ses propres dirigeants.

«Pour nous, il n'y a jamais eu d'écart de conduite», affirme M. Mailhot.

Son organisation n'est pas la seule à se frotter les mains.

«Selon les rumeurs qu'on entend sur les chantiers, beaucoup de travailleurs se sentent frustrés par ce qui s'est passé, affirme Donald Fortin, directeur du Conseil provincial, le deuxième syndicat dans le secteur de la construction. On s'attend à ce qu'il y ait des défections à la FTQ.»

Il promet toutefois de ne pas invoquer la controverse qui mine la FTQ-Construction pour faire la promotion de son organisme auprès de travailleurs indécis.

Même son de cloche à la CSD-Construction, qui représente 14% des travailleurs de l'industrie. «Il y a des travailleurs à la FTQ qui n'ont pas apprécié la façon dont leurs cotisations ont été gérées», affirme le président Patrick Daigneault, qui souhaite que la campagne se déroule sans intimidation.

Une sortie mesquine, selon la FTQ

Le directeur de la FTQ-Construction, Richard Goyette, n'a pas du tout apprécié la sortie des organisations rivales, qu'il a qualifiée de cheap.

«Au lieu de vanter leurs qualités, ils bûchent sur les autres», a-t-il dénoncé.

Quoi qu'en disent ses adversaires, il ne craint pas de perdre des membres dans les prochaines semaines. Il entend vanter les services que son syndicat offre à ses membres, notamment en matière de représentation régionale ainsi qu'en santé et sécurité du travail.