Accueillant avec ouverture la demande du maire de Montréal, Gérald Tremblay, de créer un poste de commissaire indépendant à l'éthique dans la métropole, la ministre des Affaires municipales et des Régions, Nathalie Normandeau, espère que cette fonction pourra être également créée ailleurs au Québec, sous la supervision d'un organisme provincial voué exclusivement à l'éthique.

En entretien téléphonique avec La Presse, la ministre a estimé que la demande du maire Tremblay, faite à la suggestion du chef de l'opposition officielle de Montréal, Benoit Labonté, est «intéressante et pertinente». L'idée de créer un tel poste de commissaire à l'éthique a été proposée par M. Labonté après que l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, eut reconnu avoir été deux fois en vacances avec son ami le promoteur Tony Accurso. Un de ces voyages a eu lieu alors que la Ville de Montréal cherchait un fournisseur pour l'installation de compteurs d'eau. Le contrat record de 355 millions a finalement été octroyé au consortium GÉNIeau, dont fait partie l'entreprise Simard-Beaudry de M. Accurso.

Compte tenu de cette affaire qui fait les manchettes depuis des semaines à Montréal, la ministre estime que la création d'un poste de commissaire indépendant à l'éthique est d'actualité.

«Le contexte actuel se prête à une réflexion en profondeur sur toute la dimension liée à l'éthique dans le milieu municipal, a-t-elle dit. D'autant que les députés de l'Assemblée nationale planchent sur un projet de réforme et sur un futur code d'éthique pour les parlementaires. Il y a donc un environnement tout à fait propice pour la création d'une organisation vouée au respect de l'éthique de la part des élus municipaux.»

La ministre abordera la question à l'occasion de la table Québec-municipalités qui se tiendra le 5 mai, avec la Fédération québécoise des municipalités, l'Union des municipalités du Québec et le maire de Montréal. La création d'un poste de commissaire à l'éthique, qui relèverait directement du conseil municipal de Montréal, est-elle envisageable à court terme?

«Je pense qu'il faut élargir le débat et éviter de le circonscrire à Montréal, a-t-elle soutenu. Peut-on imaginer une organisation vouée au respect de l'éthique pour l'ensemble du milieu municipal québécois qui relèverait de Québec? Il faut regarder cela. Actuellement, les municipalités ont le pouvoir d'adopter un mécanisme lié au respect de l'éthique. Elles n'ont pas de pouvoirs d'ordre pénal, mais il n'y a rien dans la loi qui interdise à une municipalité de créer un poste de commissaire à l'éthique et à l'intégrité.»

Mme Normandeau a affirmé que toutes les municipalités n'ont pas les moyens de créer un tel poste car la plupart sont de petite taille. Et toutes n'ont pas la volonté ou l'intérêt de le faire. «Pour faciliter la vie de tout le monde, on pourrait entreprendre une réflexion plus rapidement et en profondeur sur une organisation qui pourrait servir l'ensemble des municipalités du Québec», a ajouté la ministre.

Est-ce qu'une telle organisation changerait réellement les choses localement et éviterait que des élus ou des fonctionnaires se placent dans des situations où ils sont juges et parties? Nathalie Normandeau a répondu que son ministère reçoit environ 300 plaintes de citoyens par année relativement à des cas relevant de l'éthique ou de la morale. «On a souvent tendance à confondre moralité et légalité de même qu'éthique et droit, a-t-elle dit. Le fait de se questionner sur la mise en place d'un mécanisme qui aurait une envergure plus provinciale nous permettrait de mieux baliser ces concepts parfois flous entre moralité, légalité, éthique et droit. Soyons opportunistes et entreprenons une réflexion là-dessus afin que Québec assume un leadership sur la question.»

Mme Normandeau a indiqué qu'on pourrait s'inspirer de ce qui existe à Toronto où il y a déjà un commissaire indépendant à l'éthique.

Doit-on faire confiance au gouvernement pour qu'il définisse rapidement une telle organisation alors que l'Assemblée nationale rejetait récemment une motion du Parti québécois de créer un poste de commissaire à l'éthique par 62 voix contre 51? La ministre n'a pas voulu entrer dans le débat politique qui a eu lieu à Québec sur cette question et a ajouté qu'il faut «mettre la partisanerie de côté» si l'on veut véritablement arriver à créer un tel poste qui jugera si les faits et gestes des élus provinciaux sont conformes ou pas à ce que les citoyens attendent d'eux.