Pressé de questions par les journalistes au sujet des dernières déclarations de Nicolas Sarkozy sur la souveraineté, le premier ministre Jean Charest a prévenu mardi qu'il n'était pas très opportun en ce moment d'entretenir une polémique avec le chef de l'État français.

«Entretenir une polémique avec le président de la République française, à mes yeux à moi, ce n'est pas utile, d'autant plus qu'on a des projets très importants avec la France», a déclaré M. Charest.

Le premier ministre faisait notamment allusion au projet de libre-échange Canada-Europe, que le président Sarkozy soutient sans réserves, et à l'accord franco-québécois sur la mobilité de la main d'oeuvre, deux dossiers qui ont dominé mardi la deuxième journée de sa visite à Paris.

Sur le fond des choses, Jean Charest s'est bien gardé «d'interpréter» les propos de Nicolas Sarkozy, qui, avant de lui remettre la Légion d'honneur lundi soir, a associé, sans la nommer, l'idée de souveraineté à du «sectarisme» et à de «l'enferment sur soi-même».

Le premier ministre n'a pas voulu commenter les qualificatifs utilisés par le président, même s'il a cherché à s'en démarquer un peu. Le président français est «parfaitement libre de s'exprimer», a dit le premier ministre, en reconnaissant qu'il le faisait «clairement» et «sans ambiguïté». Mais il a ajouté: «Depuis que nous avons ce débat, nous le menons démocratiquement et dans la paix. Nous sommes un exemple pour le monde. J'ai un très grand respect pour ceux qui défendent l'idée de souveraineté et à l'inverse on s'attend à ce qu'ils manifestent le même respect pour ceux qui ne sont pas du même avis.»

«Et il n'y a personne qui décide à notre place. C'est nous qui décidons», a-t-il répété.

Dans l'immédiat, Jean Charest veut plutôt préserver de la polémique la relation entre la France et le Québec, qui «est vraiment en train de s'articuler et de se vivre dans des projets très concrets que nous devons réaliser ensemble».

Jean Charest a fait ces commentaires après un discours devant les associations parlementaires d'amitié France-Québec au Sénat. Plus tôt dans la journée, il a été reçu par son homologue français François Fillon. Pendant leur tête-à-tête, les deux hommes ont discuté du libre-échange Canada-Europe mais surtout des suites de l'entente cadre sur la mobilité de la main-d'oeuvre.

L'accord a été signé en octobre dernier à Québec avec le président Sarkozy. Désormais, la France et le Québec se fixent comme objectif de faire aboutir l'ensemble des négociations dans le courant de l'année prochaine.

«Tout le monde veut aller le plus vite possible, a déclaré M. Charest au cours d'un point de presse dans la cour de l'Hôtel Matignon. L'échéancier pour l'ensemble des négociations, c'est 2010 au plus tard et le plus vite possible sur le plan législatif.»

Une centaine de professions et de métiers doivent négocier des accords de reconnaissance professionnelle réciproque pour donner corps à cette nouvelle mobilité. Les discussions vont apparemment bon train puisque dès le mois prochain, à Paris, une dizaine d'associations professionnelles devraient annoncer qu'elles se sont mises d'accord, a précisé M. Charest.

Si tout va bien, le dossier pourra être conclu à temps pour la visite officielle qu'effectuera Jean Charest en France l'année prochaine, dans le cadre des «visites alternées» des premiers ministres.

Le chef du gouvernement québécois aura par ailleurs l'occasion de «remobiliser» les différents acteurs du dossier lors d'un autre séjour, prévu celui-là pour novembre prochain.