Déjà que l'Action démocratique pique du nez dans les sondages, Mario Dumont se serait volontiers passé de la défection de deux de ses députés. Surtout que sa formation se retrouve maintenant talonnée par le PQ comme opposition officielle. Le grand gagnant de ce coup de théâtre, survenu hier: le premier ministre Jean Charest, qui avait le sourire fendu jusqu'aux oreilles en présentant les deux nouveaux libéraux, André Riedl et Pierre Michel Auger.

Se disant déçus et trahis par leur chef Mario Dumont, deux députés adéquistes, André Riedl et Pierre Michel Auger, claquent la porte et passent au Parti libéral du Québec.

 

C'est le sourire fendu jusqu'aux oreilles que le premier ministre Jean Charest a présenté à la presse parlementaire, hier, ses nouvelles recrues. «Notre gouvernement a toujours voulu être rassembleur. La politique, c'est l'art d'inclure», a-t-il souligné. Le premier ministre a tenté d'étouffer les rumeurs, affirmant que cette manoeuvre ne «fait pas partie d'une trame» menant au déclenchement d'élections générales cet automne.

En conférence de presse, les deux transfuges ont tiré à boulets rouges sur leur ancienne formation et Mario Dumont. «L'ADQ est le parti d'un seul homme, sans plan de match pour le Québec ni de programme économique cohérent», a lancé le député d'Iberville, André Riedl.

Selon lui, l'ADQ n'est pas le «parti de changement et de réforme» qu'elle prétend être. Elle a tellement «déçu» l'électorat que c'était même devenu «gênant» d'être un député adéquiste, a-t-il ajouté.

André Riedl reproche à son ancien chef de museler et d'ignorer ses députés. «J'ai passé plus de temps avec M. Charest, une heure et demie, qu'avec Mario Dumont en une année et demie», a-t-il souligné.

Pour le député de Champlain, Pierre Michel Auger, son départ reflète la chute de popularité du parti de Mario Dumont dans les sondages. «Les gens ont cru à l'ADQ. Les gens ont voulu donner une chance à l'ADQ. Ils constatent aujourd'hui, comme moi, qu'ils se sont trompés», a-t-il affirmé.

M. Auger dit avoir connu «déception sur déception» depuis les élections de mars 2007. «Le style de leadership de Mario Dumont et de l'ADQ ne correspond pas à ce que je crois être bon pour les Québécois. J'estime que ma place n'est plus dans un caucus où le chef n'a pas d'écoute pour ses députés et dans un parti qui ne met pas ses députés à contribution. Pour moi, un parti politique n'est pas l'affaire de trois ou quatre personnes», a-t-il expliqué.

Les deux transfuges nient avoir trahi les électeurs de leur circonscription qui ont voulu envoyer un représentant de l'ADQ à l'Assemblée nationale. «S'il y a eu trahison, c'est du côté de l'ADQ qui a créé des espoirs qui ont été déçus», a répondu André Riedl.

La réflexion du député d'Iberville a débuté le 25 juin, lorsque Mario Dumont a ignoré sa «lecture critique de la situation de l'ADQ» lors d'un tête-à-tête. En septembre, une «connaissance proche du PLQ» l'a approché. À la réunion du caucus du 7 octobre, qu'il considérait comme la «rencontre de la dernière chance», M. Riedl a exprimé sa «déception du fonctionnement de l'ADQ». Mais Mario Dumont l'a ignoré une fois de plus. C'est alors qu'il a décidé de quitter le navire. Il a rencontré Jean Charest mardi soir, tout comme Pierre Michel Auger, quelques heures seulement après l'élection controversée du nouveau président de l'Assemblée nationale, le péquiste François Gendron. La décision de l'ADQ de participer à une manoeuvre avec le PQ pour barrer la route au libéral Yvon Vallières les a convaincus de changer de camp.

Pierre Michel Auger avait déjà informé son parti, «il y a quelques semaines», de son intention de ne pas briguer un second mandat.

André Riedl dit avoir été séduit par la vision économique du PLQ, «claire, porteuse et audacieuse». Pierre Michel Auger juge quant à lui que Jean Charest et son équipe «inspirent confiance».

Dans les rangs adéquistes, malgré les tentatives de démontrer une unité dans le parti, les mines étaient basses et la tension, palpable.

Quelques heures après avoir encaissé le choc, Mario Dumont a tenté de minimiser cette défection, remettant en question le jugement de Jean Charest.

«Le premier ministre, qui a toujours été très hautain avec l'équipe adéquiste, soudainement il en ramasse deux, pas nécessairement les meilleurs, et là ce sont des talents extraordinaires», a ironisé le chef adéquiste, qui a lui-même déjà quitté le Parti libéral, avant de fonder son propre parti.

Les députés Auger et Riedl ont manqué de courage à ses yeux. Ils ont «fait dans leur culotte pour trois ou quatre mauvais sondages», a-t-il dit, réclamant qu'ils démissionnent et tentent d'obtenir un mandat sous leur nouvelle bannière.

Les députés adéquistes n'avaient quant à eux pas beaucoup de mots tendres à l'égard de leurs ex-collègues transfuges. «Des gens qui se donnent au plus offrant, on en voit souvent au centre-ville, tard le soir, mais au parlement, des gens qui font le trottoir, on en voit très très très rarement, a souligné le jeune député de Marguerite-D'Youville, Simon-Pierre Diamond. Des gens qui font fi de leurs convictions, il ne faut pas avoir beaucoup de respect pour ces gens-là.»

«Moi, je vois ça comme une traîtrise», ajoute-t-il, persuadé que le parti saura surmonter cette épreuve comme les autres qui ont marqué l'histoire de l'ADQ.

Député depuis 2007, mais militant adéquiste de longue date, Éric Caire a jugé que les deux transfuges manquaient à leurs engagements face aux électeurs de Champlain et Iberville. «C'est malheureux. C'est deux personnes qui n'ont pas été élues sur leur propre notoriété, c'est deux personnes qui ont été élues par M. Dumont et parce qu'elles étaient des adéquistes. Elles auront à en rendre compte éventuellement», a-t-il dit.

Le statut d'opposition officielle de l'ADQ est maintenant fragile. Le parti de Mario Dumont se retrouve avec 39 députés, contre 36 pour le PQ. Les péquistes se frottent les mains. «On se rapproche de l'opposition officielle», a lancé le député de Beauharnois, Serge Deslières. Son collègue de Richelieu, Sylvain Simard, croit que des adéquistes pourraient se joindre au PQ bientôt, surtout certains qui ont été élus dans des circonscriptions du 450 traditionnellement péquistes. Le nom de François Benjamin, dans Berthier, circule. Cet ancien président de la Maison nationale des Patriotes se dit ouvertement souverainiste. Il l'a réitéré en août 2007. Il n'a pas rappelé La Presse.