La réélection d'un gouvernement conservateur minoritaire à Ottawa a refroidi Jean Charest. Après avoir jonglé avec l'idée au cours des dernières semaines, le premier ministre a écarté, hier, la tenue d'élections générales au Québec à court terme.

«Notre priorité numéro un est l'économie. On n'a pas la tête, le lendemain d'une élection fédérale, à une autre priorité que celle-là. Nous allons rester concentrés là-dessus», a-t-il affirmé en conférence de presse. Il a également souligné que son emploi du temps est chargé pour les prochaines semaines avec, entre autres, le Sommet de la francophonie, une réunion du Conseil de la fédération et une mission économique en Chine.

 

C'est un changement de discours de la part du premier ministre. Depuis quelques semaines, il n'écartait pas la possibilité de déclencher lui-même des élections après le Sommet de la francophonie, qui prendra fin dimanche.

Au cours d'une conférence de presse à Montréal, la chef du PQ, Pauline Marois, qui souhaite qu'on parle économie plutôt que d'élections, a réagi en déclarant: «J'entends que la population du Québec est préoccupée par l'économie. Ils s'inquiètent pour leurs emplois, leurs REER, leur hypothèque. Je n'ai pas entendu la population québécoise souhaiter qu'il y ait une élection au Québec.»

Selon les stratèges libéraux, M. Charest aurait pu lancer un appel aux urnes et réclamer un mandat fort dans le but de faire contrepoids à l'arrivée d'un gouvernement majoritaire à Ottawa. Comme cette éventualité ne s'est pas concrétisée, le scénario d'élections québécoises cet automne est mis de côté.

Jean Charest semble également avoir tiré des leçons des élections fédérales, où Stephen Harper, qui les a déclenchées, n'est pas parvenu à obtenir une majorité de sièges.

Lors de sa conférence de presse, le premier ministre a souligné que le Parti conservateur devra tenir compte du verdict des Québécois et, en conséquence, répondre aux demandes de son gouvernement. Si les troupes de Stephen Harper n'ont pas fait de gain dans la province, c'est qu'elles n'ont pas pris en considération les positions exprimées par le gouvernement québécois au cours de la campagne, estime M. Charest. Selon lui, les positions de son gouvernement reflètent l'opinion de l'ensemble des Québécois.

Les conservateurs «sont obligés de prendre le résultat et de le juxtaposer aux positions qu'on a pris et qu'ils connaissent bien. On a parlé au nom de tous les Québécois. Nos positions n'ont d'ailleurs pas fait l'objet de contestations au Québec.On a dit ce qu'on avait à dire. Ils savent où nous trouver», a-t-il ajouté.

Au cours de la campagne électorale, le gouvernement Charest a multiplié les attaques contre plusieurs actions et promesses des conservateurs: les coupes en culture et dans les organismes de développement économique, la création d'une commission canadienne des valeurs mobilières, le durcissement des peines pour les jeunes contrevenants, la stratégie en matière de lutte aux changements climatiques, la réforme du Sénat, l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser...

«Les positions québécoises sont très connues. Je m'attends à ce que (les conservateurs) réagissent en fonction de nos intérêts. On verra ce que M. Harper décidera de faire. Comme il n'a pas obtenu une majorité, il devra bien tenir compte du résultat de l'élection. Il ne peut pas faire fi de la décision des électeurs», a-t-il affirmé.

Craint-il que les conservateurs l'accusent d'avoir donné un coup de pouce au Bloc québécois et refusent de lui faire des cadeaux? «Je me suis exprimé au nom de tous les Québécois sur les grands enjeux du Québec», a rétorqué M. Charest.

Le premier ministre a balayé d'un revers de main les questions portant sur un affaiblissement de la représentation du Québec au sein du gouvernement fédéral. Les conservateurs «ont une obligation qui dépasse de loin le résultat des élections. C'est celle de représenter tous les citoyens. On perd parfois de vue le fait qu'une fois qu'on est élu, et c'est vrai pour moi, nous avons un devoir qui transcende la partisanerie politique et le nombre de sièges que nous avons».

Jean Charest entend «travailler avec beaucoup d'ouverture avec le prochain gouvernement et, aussi, avec les partis de l'opposition parce que c'est un gouvernement minoritaire». Car «il faut se serrer les coudes et travailler ensemble» pour faire face à la crise financière, a-t-il indiqué.

M. Charest, qui préside le Conseil de la fédération, a envoyé une lettre à Stephen Harper hier matin l'invitant à participer à une réunion des premiers ministres provinciaux lundi, à Montréal, afin de discuter des impacts de cette crise au Canada. M. Harper a décliné l'invitation. Il est en pleine période de transition à Ottawa et doit former un nouveau Conseil des ministres. Il s'est toutefois engagé à convoquer ses homologues pour une rencontre fédérale-provinciale sur l'économie.