Q Pour la première fois depuis le début des sommets de la francophonie, en 1986, le président de la France n'assistera pas à la cérémonie de clôture, le dimanche 19 octobre. Il arrivera vendredi et partira le lendemain, en fin de journée. Est-ce que vous déplorez cette décision ?

R Nous comprenons la situation. M. Sarkozy préside l'Union européenne. Il y a un conseil de l'Europe le jeudi 16 octobre. Et M. Sarkozy a un sommet Europe-Asie (les 24 et 25 octobre à Pékin). Forcément, on savait que l'horaire de sa visite allait faire l'objet de beaucoup de discussions. Le scénario de départ était très ambitieux. On parlait d'une visite de quatre jours. Il sera là vendredi pour le sommet Canada-Union européenne. Il y aura lancement des négociations sur un accord économique transatlantique. Ensuite, il prendra la parole à l'Assemblée nationale. J'ai beaucoup insisté là-dessus, surtout avec le 400e de Québec. C'est la première fois qu'un président de la République prendra la parole à l'Assemblée. Il va parler de la relation France-Québec-Canada. Et il y aura la signature de l'entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre. Il donnera donc beaucoup.

Q L'environnement sera au coeur des discussions du Sommet de la francophonie. Les conservateurs de Stephen Harper - il représentera le Canada au sommet, qu'il remporte ou non les élections, parce qu'une éventuelle passation des pouvoirs ne sera pas encore réalisée - étaient réfractaires à l'idée d'aborder la question des changements climatiques...

R Au tout début, j'ai dit au fédéral : on ne veut pas faire du post-Kyoto. D'autres forums sont désignés pour ça. Il a fallu travailler fort pour que le fédéral acquiesce à l'idée qu'on en discute. Mais on ne peut pas parler d'environnement en 2008 et ne pas parler des changements climatiques. Et M. Sarkozy en a fait une priorité. Mais il n'est pas question d'aller mettre un gouvernement au pilori. La francophonie apportera une contribution originale sur ce qui doit être fait sur les changements climatiques.

Q Cette contribution sera somme toute modeste. Les gouvernements présents ne seront pas tenus de faire des gestes précis, ils ne seront pas liés...

R Ce n'est pas du post-Kyoto, en effet. Mais il faut que les pays en voie de développement puissent bénéficier de la collaboration des pays du Nord pour agir sur les changements climatiques. On va faire des recommandations d'actions Nord-Sud. Je veux justement mettre en relief la dimension Nord-Sud de la francophonie. Je pense que c'est la partie de la francophonie qu'on n'a pas suffisamment développée. Il n'y a pas beaucoup de forums Nord-Sud dans le monde, à part le Commonwealth et, forcément, les Nations unies. On a l'occasion de faire plancher les chefs d'État sur les changements climatiques dans une perspective Nord-Sud.

Q Concrètement, ça veut dire quoi, une perspective Nord-Sud ?

R C'est mettre en place des collaborations entre le Nord et le Sud : des transferts de technologies, de ressources humaines, d'expertise, de recherche. Je vois là un très beau chantier qu'on devrait ouvrir et dont la francophonie peut être porteuse. Parce que, après ça, on tombe dans le post-Kyoto. Les conférences commencent à Copenhague en 2009. Le Sommet nous permettra donc de donner un exemple de collaboration Nord-Sud dans un grand débat qui est mondial.

Q À la dernière journée du Sommet, les discussions porteront sur la langue française. Y a-t-il des inquiétudes sur l'état du français dans le monde ?

R C'est le Québec qui a amené le sujet. C'est une question qui, c'est étonnant, n'a jamais été abordée lors d'un sommet. Ce que nous voulons surtout, c'est faire la promotion du français dans les forums internationaux. On veut mobiliser les pays de la francophonie afin qu'ils insistent pour que la langue française soit parlée et qu'on communique en français dans les instances internationales.

Q Pour la population en général, le rôle de la francophonie est plutôt nébuleux. Est-ce que le sommet de Québec aura un impact concret ?

R On a tendance à voir le côté plus formel de la francophonie. Et on perd de vue ses deux grands succès : il y a TV5, le réseau de télé dans le monde qui a la plus grande pénétration. Et l'autre, c'est le dossier de la diversité culturelle. Maintenant, il faut donner une injection de dynamisme à la francophonie. Il faut s'inscrire davantage dans les grands débats de l'humanité, l'environnement, justement.

Q La crise financière sera un sujet inévitable alors ?

R Oui. Par un concours de circonstances, le Sommet de la francophonie est le premier forum Nord-Sud à se tenir dans la foulée de cette crise. Je crois que nous devons absolument aborder cette question et que nous devons offrir aux pays du Sud et du Nord la possibilité d'avoir un premier dialogue sur les conséquences de la crise. S'il y a un assèchement du crédit dans les marchés mondiaux, ça a un impact également sur les pays en voie de développement. On va faire au moins un état de la situation. Je sais que le président Sarkozy a des idées à amener, mais je lui laisse le soin de les présenter.

Q En terminant, le Sommet de la francophonie, est-ce un bon tremplin pour vous en vue de déclencher des élections ?

R (Long silence) J'ai déjà répondu aux questions portant sur ce sujet.