Même si la crise financière actuelle est à ses yeux «sans précédent», Jean Charest n'a pas l'intention pour le moment d'adopter de nouvelles mesures pour y faire face, comme le demandent Mario Dumont et Pauline Marois. Le gouvernement a «prévu le ralentissement économique» il y a 18 mois et «fait ce qu'il fallait» pour affronter la tempête, estime le premier ministre.

En compagnie de ses ministres Monique Jérôme-Forget et Raymond Bachand, il a toutefois annoncé hier la création d'une «équipe de vigilance» composée des grandes institutions financières du Québec, la tenue d'une réunion des premiers ministres provinciaux sur l'économie et l'organisation d'un débat sur le même thème à l'Assemblée nationale.

 

Pour le reste, Jean Charest juge avoir déjà fait les gestes nécessaires pour faire face au ralentissement actuel. Il accuse Mario Dumont et Pauline Marois de «noircir le tableau».

Le premier ministre a rappelé que son gouvernement investit déjà des «sommes records» dans les infrastructures et le développement énergétique: 12,4 milliards de dollars en 2008, 13,5 milliards en 2009, et la même somme en 2010. Cette décision est responsable d'une croissance économique «plus forte que celle que nous aurions eue autrement».

Ces investissements sont «le fruit d'une réflexion d'il y a 18 mois», a noté M. Charest. «On avait anticipé qu'il y aurait un ralentissement économique.»

Or, les investissements dans le secteur énergétique ont été annoncés lors du dévoilement d'une vaste stratégie en mai 2006, il y a plus de 29 mois. «On pouvait déjà prévoir à ce moment-là qu'on n'allait pas connaître éternellement une période de croissance économique», a rétorqué M. Charest.

Les investissements dans les infrastructures ont été dévoilés dans le budget du printemps 2007. Le gouvernement s'était alors dit «troublé» par la vétusté des écoles, des hôpitaux et des routes. Dans son discours budgétaire, Monique Jérôme-Forget ne disait pas un mot sur les effets de cette annonce sur l'économie ni sur la nécessité d'adopter une telle stratégie pour parer à un éventuel ralentissement.

Les bons coups

Jean Charest a également vanté les impacts positifs d'autres gestes de son gouvernement: les réductions d'impôt d'un milliard de dollars et l'élimination de la taxe sur le capital pour le secteur manufacturier.

Le premier ministre se défend de dresser un portrait «jovialiste» de la situation comme l'accuse l'opposition. «On ne met pas de lunettes roses. On dit aux Québécois: mettons-nous les yeux devant les trous. Voilà ce qui arrive chez nous, et ailleurs. Est-ce qu'il y a un impact sur l'économie du Québec? Forcément, on est dépendants de l'économie américaine. Mais sur la situation financière, ce n'est pas pareil du tout», a-t-il expliqué. Les institutions financières canadiennes sont «beaucoup mieux capitalisées» que leurs consoeurs américaines. Le Canada n'a pas connu d'hyperinflation ni de bulle dans le secteur résidentiel comme aux États-Unis, a-t-il ajouté.

Monique Jérôme-Forget présentera une «mise à jour» de la situation économique et financière du Québec d'ici la fin du mois, plus tôt qu'à l'habitude. Aucune nouvelle mesure n'y sera annoncée. La ministre lancera ensuite ses consultations prébudgétaires. «Les finances publiques sont serrées depuis un bon moment déjà», a rappelé M. Charest.

Le premier ministre a mobilisé des décideurs financiers pour suivre l'évolution des marchés en considérant les impacts sur les épargnants. Cette équipe de vigilance, présidée par Monique Jérôme-Forget, est composée notamment de la Banque Nationale, du Mouvement Desjardins, du Fonds FTQ, de la Caisse de dépôt, de l'Industrielle Alliance et de Power Corporation. Selon les constats de cette équipe, le gouvernement pourra, «au besoin, poser les gestes nécessaires», a dit M. Charest.

Il s'est également joint à ses homologues provinciaux afin de tenir une rencontre du Conseil de la fédération sur l'économie. Elle devrait avoir lieu le 20 octobre, au Québec.

Débat sur l'économie

Jean Charest a accepté la proposition de Pauline Marois, qu'il rencontrera aujourd'hui, de tenir un débat à l'Assemblée nationale sur l'état de l'économie. Il s'est toutefois montré surpris de son intérêt pour la question. «Quand elle m'a écrit le 17 septembre (pour demander cette rencontre), elle ne m'a pas écrit sur l'économie, sa priorité était de rouvrir les négociations constitutionnelles», afin de rapatrier les pouvoirs en matière de culture, a-t-il dit.

Jean Charest demande à Pauline Marois et Mario Dumont, qu'il rencontrera également aujourd'hui, «d'éviter de noircir inutilement le tableau parce que ç'a un impact sur la vie des gens. Les citoyens méritent mieux que de la pure partisanerie» alors qu'une crise fait rage.