Le chef conservateur Stephen Harper propose des changements qui sont inconstitutionnels quand il promet de rendre beaucoup plus sévères les peines des jeunes contrevenants, jusqu'à envoyer en prison pour la vie un jeune meurtrier de 14 ans.

«Cette proposition est contraire à un jugement récent de la Cour suprême qui dit clairement le contraire», a souligné hier le constitutionnaliste Henri Brun, souvent retenu comme expert par les gouvernements québécois, libéraux comme péquistes.

Arrêt de la Cour suprême

Dans un arrêt en mai dernier, le plus haut tribunal du pays soulignait qu'il était contraire à l'article 7 de la Charte des droits de forcer un mineur à faire la démonstration en cour qu'il ne mérite pas une peine d'adulte.

La proposition des conservateurs suppose qu'il y ait une règle générale qui autorise le juge à administrer des sentences aussi lourdes. Or le tribunal, sur un verdict divisé de cinq contre quatre, a décidé le contraire, dans une cause émanant d'Ontario.

«S'il veut passer outre, le gouvernement fédéral n'aurait d'autre recours que la clause dérogatoire, pour imposer ses vues nonobstant la Charte des droits», a résumé l'universitaire.

La Cour suprême n'était pas allée jusqu'à nier au juge la possibilité d'imposer des peines pour adultes à un jeune criminel, mais le fardeau de la preuve, dans le plaidoyer sur sentence, doit reposer sur les épaules de la Couronne. Pas question d'édicter de règle générale comme le laisse prévoir l'engagement pris lundi par le chef conservateur.

Harper maintient son interprétation

M. Stephen Harper avait balayé lundi d'un revers de main ces objections. Selon lui, les tribunaux ne pouvaient juger inconstitutionnelles ses propositions.

«Nous respectons la décision de la Cour suprême, a-t-il affirmé. Nous n'imposons pas des peines pour adultes. Nous avons l'intention d'imposer des peines plus sévères aux jeunes», avait expliqué M. Harper.

De son côté, le ministre de la Justice, Jacques Dupuis, est subitement sorti du mutisme qu'il voulait adopter sur les promesses électorales pour dénoncer, sans détour, l'engagement de Stephen Harper.

«La prison à vie pour un enfant de 14 ans... je ne peux pas penser qu'un jour il sortira de prison. Qu'aura-t-il appris à 30 ou 40 ans? Quel genre d'individu sera-t-il en sortant? Je pense qu'il risque d'être beaucoup plus dangereux», a soutenu le ministre.