La ministre de l'Immigration, Yolande James, s'est associée à un magazine financé par les écoles privées de la province distribué à un million de familles cet automne. Alors que l'importance de valoriser l'école publique, qui ne cesse perdre des élèves au détriment du privé, semble faire consensus dans le milieu de l'éducation, le geste s'attire des critiques.

Le magazine Le Privé, publié une fois par année par la Fédération des établissements d'enseignements privés (FEEP), reproduit dans son numéro 2008 une entrevue avec photo de la ministre de l'Immigration, Yolande James. Elle y parle de la volonté de son père de l'inscrire dans une école francophone, même si la loi 101 lui permettait de fréquenter le réseau anglophone. Elle ne fait aucune référence au système d'éducation privé, pas plus qu'au public, mais ses propos jouxtent les fiches descriptives de deux établissements privés de Montréal.

 

Yolande James est la seule politicienne à avoir accordé une entrevue à la FEEP. Elle apparaît aux côtés d'une poignée d'artistes et d'universitaires qui s'expriment tous sur le thème de la diversité culturelle. La ministre nie catégoriquement avoir voulu faire la promotion du privé.

«Il n'était pas question de cela. Le but était de parler de la diversité des relations interculturelles, une réalité aussi présente au privé qu'au public», dit Christian Tanguay, attaché de presse de la ministre.

Yolande James «est un pur produit de l'école publique», a d'ailleurs souligné M. Tanguay. Elle n'a fréquenté un établissement privé qu'en prématernelle.

Geste condamné par la CSQ

Mais le président de la Centrale des syndicats du Québec, qui représente près de 60 000 enseignants, condamne son geste. «Les ministres ont le devoir de promouvoir le réseau public: c'est un réseau d'État. Si tu travailles chez Provigo, tu ne vantes pas le concurrent», s'indigne Réjean Parent. En entrevue à La Presse, début septembre, la ministre de l'Éducation Michelle Courchesne a insisté sur la nécessité de «revaloriser l'école publique».

«Ce n'est pas comme cela qu'on y arrivera», dit M. Parent.

Le Privé inclut une description des établissements, les dates des journées portes ouvertes et des examens d'admission de l'automne. Le porte-parole de la FEEP, Auguste Servent, affirme que ce guide s'adresse aux parents qui ont déjà choisi le privé et ne doit pas être perçu comme un dépliant publicitaire.

«C'est de la fraude intellectuelle, réplique Réjean Parent. La première réaction du lecteur, c'est de penser que tous les gens qui figurent dans la revue sont allés au privé, et il n'y a rien pour le démentir.»

La FEEP a effacé volontairement les références au type d'école fréquenté par les personnes interviewées.

«Nous faisons tout pour que ce magazine survive en toute sérénité en évitant la controverse», dit M. Servent.

En 2006, Bernard Landry avait participé à la publication, après son retrait de la vie politique.

La quasi-totalité des écoles privées du Québec, la plupart membres de la FEEP, sont financées à 60% par Québec. La CSQ réclame l'arrêt de ces subventions.