Au moment où les adéquistes débarquent en masse chez les conservateurs de Stephen Harper, le premier ministre Jean Charest prend de plus en plus ses distances avec Ottawa, soucieux d'aller chercher la sympathie de l'électorat nationaliste au Québec.

«Je n'ai pas de comptes à rendre au gouvernement fédéral sur la gestion des fonds publics aux mains des citoyens du Québec», a laissé tomber hier M. Charest à son arrivée à Victoriaville pour une réunion de deux jours de son caucus.

 

Quelques heures plus tôt, de passage à Trois-Rivières, le chef conservateur Stephen Harper avait soutenu que le gouvernement fédéral avait réglé le problème du déséquilibre fiscal l'an dernier en haussant les transferts au gouvernement Charest. En décidant de retourner 900 millions en baisse d'impôts aux contribuables, au printemps 2007, le gouvernement Charest a démontré qu'il avait suffisamment d'argent pour ses programmes de santé et d'éducation, selon le chef conservateur.

Hier, M. Charest s'est défendu de vouloir s'en prendre personnellement à son homologue fédéral, mais est resté ferme sur le fond: «Heureusement qu'on a baissé les impôts. Les économistes le reconnaissent, c'est une des raisons pour lesquelles l'économie du Québec en 2008 va pouvoir tirer son épingle du jeu en dépit du ralentissement.»

Dans les coulisses, au PLQ, on convient rapidement que la démarche vise avant tout à positionner Jean Charest comme le chef «le plus apte à défendre les intérêts du Québec», surtout devant le rapprochement évident de l'ADQ avec les conservateurs. M. Charest n'a pas raté l'occasion, hier, de souligner que son parti est le seul à ne pas être «inféodé» à un parti fédéral - l'appui du PQ est acquis au Bloc québécois et Mario Dumont a mis toutes ses billes dans le panier de Stephen Harper, insiste-t-il.

La très grande majorité des organisations dans les 41 circonscriptions adéquistes aident déjà la campagne conservatrice, a confié un organisateur adéquiste de premier plan. Dans le «war room» du PC pour le Québec, trois adéquistes de longue date tirent les ficelles. Et des députés de l'ADQ aident ouvertement les candidats conservateurs de leur région. On prévoit aussi que Mario Dumont se rapprochera plus explicitement de Stephen Harper avant la fin de la campagne.

La sortie percutante de Jean Charest hier a suivi de peu un point de presse de Monique Jérôme-Forget venue demander aux partis politiques fédéraux de prendre position sur la mise en place d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne. Le Québec veut conserver son Autorité des marchés financiers, et la prise de position de la ministre est clairement une attaque à l'endroit des conservateurs qui ont tenté en vain de faire avancer un projet de loi en ce sens aux Communes.

Ces échanges aigres-doux entre le gouvernement Charest et Ottawa se multiplient depuis quelques jours. Mercredi, la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, a attaqué son homologue fédérale, Josée Verner, qui recommandait aux artistes fauchés de se tourner vers Québec plutôt que de demander à Ottawa de maintenir intacts 45 millions en programmes. Le ministre Sam Hamad a ajouté sa voix à celle de son collègue, Raymond Bachand, pour critiquer les coupes du conservateur Jean-Pierre Blackburn aux organismes de développement économiques en région.

Sur la culture, le premier ministre Charest a toutefois nuancé sa demande de «souveraineté culturelle» lancée la semaine dernière aux chefs des partis fédéraux. Il n'est en effet pas question pour lui de rouvrir le dossier constitutionnel pour y enchâsser ce genre d'accord. «Je ne peux pas croire que Mario Dumont et Pauline Marois vont relancer le débat constitutionnel, avec tout ce qui se passe actuellement en économie. C'est invraisemblable» a-t-il lancé.