Les libéraux de Justin Trudeau ne croient pas que l'arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ), malgré ses intentions en matière d'immigration, marque le début d'une relation tumultueuse entre les deux capitales.

Quasi d'une seule voix, les députés du PLC interrogés hier au sujet des retombées politiques d'un gouvernement caquiste plus revendicateur qui s'installe à Québec se disent convaincus d'une chose : « Le gros bon sens va prévaloir. »

Ils se disent aussi largement rassurés par le ton du discours prononcé par le premier ministre désigné, François Legault, qui a déclaré mardi au lendemain de sa victoire vouloir « bâtir un Québec plus fort à l'intérieur du Canada dans une relation gagnant-gagnant ».

Ces députés, interrogés à l'issue de la réunion hebdomadaire du caucus libéral, se sont confiés à La Presse sous le couvert de l'anonymat afin de pouvoir s'exprimer plus librement.

PÉNURIE DE MAIN-D'OEUVRE

Plusieurs d'entre eux ont dit être convaincus que l'intention de François Legault de faire passer le nombre d'immigrants admis au Québec de 52 000 à 40 000 dès 2019 se heurtera tôt ou tard à la réalité économique qui règne dans plusieurs régions, c'est-à-dire à la pénurie de main-d'oeuvre qui se fait de plus en plus cruellement sentir.

« Quand les chambres de commerce des différentes régions du Québec vont se mettre à rappeler au gouvernement Legault que la pénurie de main-d'oeuvre est un problème sérieux, le gros bon sens va prévaloir. » - Un député libéral de la région de Montréal

Le gouvernement Legault aura de toute façon besoin du concours d'Ottawa s'il veut atteindre cet objectif. En effet, le Québec est responsable de la sélection, à l'étranger ou au Canada, des immigrants qui désirent s'établir au Québec, en vertu d'une entente entre Ottawa et la province. Mais le gouvernement fédéral demeure responsable des immigrants qui veulent venir au pays en vertu du programme de réunification familiale et de l'accueil des réfugiés.

Un autre député libéral de la métropole a rappelé que François Legault a affirmé que l'économie demeurait sa priorité absolue, suivie de l'éducation et de la santé, et que l'immigration était un ingrédient essentiel pour soutenir la croissance économique.

Dans les heures qui ont suivi la victoire de la CAQ, le Conseil du patronat du Québec s'est d'ailleurs empressé de rappeler « certains défis auxquels le Québec fait face, notamment l'enjeu majeur concernant les besoins de main-d'oeuvre ».

STRATÉGIE NATIONALE

Aujourd'hui, à Montréal, le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, de concert avec plus de 50 associations et partenaires, doit rendre publique une déclaration adressée au premier ministre désigné l'exhortant à faire sienne la Stratégie nationale sur la main-d'oeuvre dévoilée par le gouvernement Couillard en mai.

Cette stratégie proposait 47 mesures visant à permettre au Québec de s'assurer qu'il dispose d'une main-d'oeuvre suffisante et compétente, alors qu'on prévoit que plus de 1,3 million de postes seront à pourvoir d'ici 10 ans, dont plus de 90 000, dès maintenant. L'une des mesures proposait d'investir 324 millions pour « améliorer l'attraction, la sélection et l'intégration en emploi des personnes immigrantes ».

Mardi, le ministre des Affaires intergouvernementales du gouvernement Trudeau, Dominic LeBlanc, résumait aussi la pensée de plusieurs libéraux à Ottawa en déclarant : « Gouverner est différent que faire une campagne électorale ». Il laissait ainsi entendre que le nouveau gouvernement caquiste pourrait avoir de la difficulté à mener à bien certaines de ses promesses, notamment celle visant à réduire le nombre d'immigrants qui s'installent au Québec. Il a d'ailleurs indiqué avoir hâte de rencontrer le futur ministre du gouvernement Legault qui héritera de ce dossier pour en discuter.

Le ministre des Collectivités et des Infrastructures, François-Philippe Champagne, a aussi émis des doutes sur la possibilité de mettre en oeuvre la promesse caquiste de faire passer temporairement de 52 000 à 40 000 les seuils d'immigration, compte tenu de la situation de plein emploi qui existe au Québec et de la pénurie de main-d'oeuvre qui touche plusieurs régions.