À un mois de la légalisation de la marijuana au pays, les municipalités canadiennes redoutent d'avoir à éponger une bonne partie de la facture liée à la mise en oeuvre de cette mesure adoptée par le gouvernement Trudeau au printemps.

Leur crainte découle du fait que les associations représentant les municipalités de huit provinces n'ont toujours pas conclu d'entente avec leur gouvernement provincial respectif quant à une formule équitable de partage de revenus provenant de la vente légale du cannabis sur leur territoire. Seules les provinces du Québec et de l'Ontario ont paraphé des ententes à ce sujet avec leurs municipalités.

La présidente de la Fédération canadienne des municipalités, Vicki-May Hamm, qui est également mairesse de Magog, en Estrie, lance un cri d'alarme : les municipalités n'ont pas les moyens financiers pour payer l'inévitable hausse des coûts de sécurité liée à la légalisation de la marijuana.

Si les municipalités font «tout pour être prêtes» pour la légalisation du cannabis à des fins récréatives le 17 octobre, elles craignent vivement qu'on leur refile la majorité de la facture.

«Les municipalités sont prêtes à jouer leur rôle. Là où le bât blesse, c'est dans la deuxième partie de l'équation, c'est-à-dire le financement. Même si le gouvernement fédéral a répondu assez rapidement et efficacement à notre demande de partage des revenus, il reste encore beaucoup de provinces qui n'ont pas conclu d'ententes avec les municipalités. Il y a juste le Québec et l'Ontario qui se sont entendus sur un partage. Les autres provinces ne l'ont pas fait», a affirmé Mme Hamm.

«C'est un peu inquiétant, car il faut que ce soit à coût nul pour les municipalités. Il ne faudrait pas que je sois obligée de fournir une preuve des coûts. Ce n'est pas une reddition de comptes que l'on veut. [...] Nous avons accès à une forme limitée de revenus. C'est véritablement l'enjeu en ce moment. L'entente avec les provinces doit être la priorité», a ajouté la présidente de la FCM.

300 millions par année pour les provinces

En décembre dernier, le gouvernement Trudeau a accepté de verser aux provinces 75% des revenus provenant de la taxe fédérale d'accise sur la vente du cannabis. Ottawa calcule qu'il empochera 400 millions de dollars par année durant les deux premières années, une somme qui devrait par la suite augmenter au fur et à mesure que le marché légal du cannabis remplacera le marché noir, dominé par le crime organisé.

Ainsi, les provinces toucheront 300 millions par année au départ. Mais Ottawa s'est engagé à garder un maximum de 100 millions de dollars par année, laissant donc aux provinces la hausse prévisible des revenus qui seront perçus grâce à la taxe d'accise.

Dans son dernier budget, le gouvernement du Québec a décidé de remettre aux municipalités l'équivalent de l'ensemble des revenus provenant de la taxe fédérale d'accise, soit 60 millions de dollars annuellement, durant les deux premières années. Dans ce contexte, Québec s'attend à ce que la nouvelle Société québécoise du cannabis (SQC) affiche un déficit de 9 millions de dollars durant la première année d'exploitation.

Pour sa part, le gouvernement de l'Ontario s'est engagé à verser 40 millions de dollars aux municipalités de la province. Au dernier congrès de la FCM, en juin, plusieurs maires ont soutenu que le gouvernement Trudeau devrait verser une compensation financière aux municipalités qui n'auraient pas une partie des revenus de la taxe fédérale d'accise dans les mois qui suivront la légalisation de la marijuana.