Des manifestants ont réclamé à grands cris d'être admis à l'Assemblée législative de l'Ontario, où les élus provinciaux avaient été convoqués à une rare séance nocturne, lundi, afin d'accélérer l'adoption d'un projet de loi controversé visant à réduire de près de moitié la taille du conseil municipal de Toronto.

Des manifestants avaient pu accéder aux tribunes réservées au public dans un premier temps et certains en ont profité pour exprimer leur opposition au projet de loi à l'intérieur de la chambre. Ils ont interpellé les élus progressistes-conservateurs en criant «Honte! Honte!», jusqu'à ce que le président décide de les expulser.

Les gens qui avaient dû patienter en file pour assister aux débats ont exprimé leur indignation d'avoir été expulsés, scandant «Laissez-nous entrer!» et «Notre ville, pas celle de Ford!», pendant que des policiers se tenaient devant les portes.

L'agitation pouvait parfois être entendue jusqu'à l'intérieur de l'assemblée, et certains manifestants sont restés sur place pendant une bonne partie de la nuit.

«Nous sommes les seuls à écouter les gens - pas les perturbateurs, pas les activistes professionnels qu'on a vus au cours des derniers jours. Et quand vous vous tenez debout pour les gens, ils vont se tenir debout à vos côtés», a affirmé le premier ministre Doug Ford devant l'Assemblée législative.

«Les gens sont derrière nous et je peux vous dire, mes amis, que jamais on ne reculera, jamais», a-t-il ajouté.

L'opposition néo-démocrate a pris pour exemple le tumulte à l'extérieur des portes de l'enceinte pour souligner que beaucoup de citoyens s'opposent à la décision du gouvernement de réduire la taille du conseil municipal de Toronto pour le faire passer de 47 à 25 conseillers.

«Comment pouvez-vous prétendre être ici pour les gens quand les gens à l'extérieur frappent pour entrer dans ce bâtiment auquel ils n'ont pas accès à cause de vos actions?», a lancé le leader néo-démocrate Gilles Bisson.

La chef du Nouveau Parti démocratique, Andrea Horwath, a brièvement quitté le débat pour s'adresser aux manifestants, en leur disant qu'elle était fière de voir autant de gens se rassembler pour défendre les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés à un moment si inhabituel.

Elle s'est engagée à continuer à lutter contre la décision du gouvernement progressiste-conservateur de faire adopter la loi  sur le conseil municipal de Toronto - un message qu'elle a répété plus tard devant les élus.

«L'ingérence dans les élections en cours a un effet dissuasif sur notre démocratie, a-t-elle déclaré. La réalité est que ce gouvernement s'est comporté de manière inappropriée, a fait avancer ce dossier sans aucune sorte de consultation pendant que les élections étaient déjà en cours.»

Élections municipales le 22 octobre

Le gouvernement progressiste-conservateur, quant à lui, a évoqué la nécessité de prendre des décisions urgentes pour justifier la tenue de cette séance nocturne, estimant que l'adoption du projet de loi éliminerait toute incertitude entourant les élections municipales du 22 octobre.

«La date des élections municipales approchant rapidement, nous devons agir, a déclaré le ministre des Affaires municipales, Steve Clark. Il ne reste que quelques semaines avant le 22 octobre.»

Une version antérieure du projet de loi a été déclarée inconstitutionnelle par un juge de la Cour supérieure de l'Ontario lundi dernier, ce qui a incité le premier ministre Ford à invoquer la disposition de dérogation - rarement utilisée - pour infirmer la décision.

L'utilisation de cette disposition constitutionnelle par M. Ford a été dénoncée par les partis de l'opposition, d'éminents politiciens canadiens et des centaines de juristes.

«L'utilisation par le premier ministre de la disposition de dérogation pour la première fois (en Ontario) a créé un chaos sans précédent dans notre ville, dans notre province et au-delà», a dénoncé la députée libérale Mitzie Hunter au cours du débat.

Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, a déclaré que les actions de M. Ford avaient mis en danger les élections municipales.

«Ce premier ministre a créé une crise en s'ingérant dans les élections et en piétinant la démocratie municipale», a-t-il déclaré par communiqué. «Les conservateurs agissent en toute impunité, essayant de suspendre la Charte canadienne des droits et libertés sous le couvert de l'obscurité pendant que les Ontariennes et les Ontariens dorment.»

Le gouvernement progressiste-conservateur maintient que cette mesure est nécessaire et qu'il a le droit d'y avoir recours. Il prétend que le juge a commis une erreur dans sa décision.

Evangeline Cowie et Ana Buzdugan, deux élèves de 12e année de Toronto, ont assisté un court instant au débat avant que le public ne soit expulsé de la salle. Les deux adolescentes trouvaient important d'exprimer leur opposition au projet de loi, même si elles devaient aller à l'école le lendemain.

«Cela va envoyer le message que tout le monde est prêt, paré à tout ce qu'il faut pour s'opposer à cette décision», a déclaré Evangeline Cowie, qui était accompagnée de ses parents.

«L'histoire va en quelque sorte s'écrire aujourd'hui, alors je crois qu'il est important d'être ici, surtout pour quelque chose qui concerne d'aussi près Toronto et ses citoyens», a ajouté Ana Buzdugan.

Frank Griggs, qui a fait la file pour assister au débat, a avancé des arguments similaires.

«J'espère que cela envoie un message à certains députés conservateurs qui pourraient au moins envisager de s'opposer au projet de loi en s'appuyant sur la volonté de leurs électeurs et sur leur gros bon sens ainsi que sur leur propre définition de ce que devrait être la démocratie», a mentionné M. Griggs.

Les députés ontariens avaient déjà siégé exceptionnellement samedi pour débattre de ce projet de loi. Les débats devraient reprendre mercredi et le gouvernement Ford espère faire adopter son projet de loi lors d'un vote qui devrait avoir lieu jeudi.