En remaniant son cabinet, en juillet, le premier ministre Justin Trudeau avait d'abord et avant tout un oeil sur les prochaines élections fédérales, qui auront lieu dans environ 12 mois. Cela explique pourquoi il a décidé de confier de nouvelles fonctions au ministre François-Philippe Champagne, reconnu comme l'un des meilleurs communicateurs de son gouvernement, afin qu'il passe plus de temps au pays, en particulier au Québec, où la bataille s'annonce cruciale pour que les libéraux obtiennent un deuxième mandat majoritaire.

Alors qu'il était ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne se décrivait comme le «chief marketing officer du Canada» et consacrait près de 80% de son temps à l'étranger à vendre les atouts du Canada comme endroit pour investir et à tenter de dénicher de nouveaux marchés pour les entreprises canadiennes.

En tant que ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, M. Champagne passe désormais le plus clair de son temps à sillonner le pays et, surtout, à parcourir le Québec, afin de multiplier les annonces de projets d'infrastructures en compagnie de ses homologues provinciaux. Le gouvernement Trudeau compte investir quelque 187 milliards de dollars dans les infrastructures au cours des 12 prochaines années.

Selon des informations obtenues par La Presse, le premier ministre Justin Trudeau tenait à utiliser à bon escient les talents de communicateur du ministre Champagne, qui maîtrise d'ailleurs fort bien aussi la langue de Shakespeare, afin d'expliquer les réalisations du gouvernement libéral jusqu'ici et ses projets à venir alors que le compte à rebours électoral est enclenché à Ottawa.

«Un bon vendeur»

Dans les rangs libéraux, on affirme depuis plusieurs mois que l'obtention d'un deuxième mandat majoritaire passe forcément par de nouveaux gains au Québec - surtout que les appuis au Nouveau Parti démocratique ont chuté de façon marquée au cours des derniers mois, tandis que le Bloc québécois n'est plus l'ombre de lui-même. Ces gains doivent permettre de compenser les pertes de sièges prévues dans les provinces atlantiques et dans l'Ouest.

Issu du monde des affaires, M. Champagne a été élu pour la première fois dans la circonscription de Champlain-Saint-Maurice - l'ancien fief de Jean Chrétien - aux élections d'octobre 2015. M. Champagne comprend donc bien les enjeux auxquels sont confrontées les régions du Québec.

«Nous avons voulu renforcer l'équipe en vue des élections fédérales de 2019», a indiqué une source gouvernementale.

«Nous avons regardé les atouts et les forces de chacun pour s'assurer de les mettre au bon endroit et de les utiliser là où ça comptait.»

«Il était excellent au Commerce international, mais on voulait utiliser mieux les talents de communicateur de François-Philippe Champagne. Ce n'est pas en l'envoyant au Japon, par exemple, qu'on va obtenir plus de votes. [...] On a annoncé 187 milliards de dollars en infrastructures. Ce serait bien que les gens sachent où s'en va l'argent. Tu as besoin d'un bon vendeur pour cela», a ajouté cette source.

Respecté par ses adversaires politiques à la Chambre des communes, M. Champagne a gravi rapidement les échelons au sein du gouvernement Trudeau, passant de secrétaire parlementaire du ministre des Finances Bill Morneau en décembre 2015 à ministre du Commerce international en janvier 2017, pour ensuite aboutir au ministère de l'Infrastructure et des Collectivités en juillet. À ce dernier ministère, il a pris la relève de l'Albertain Amarjeet Sohi, qui s'est vu confier les Ressources naturelles, un ministère stratégique pour sa propre province. Celui qui était titulaire des Ressources naturelles, le Manitobain Jim Carr, a hérité de la responsabilité du Commerce international.

«Avec le dernier remaniement, on a aussi renforcé un ministre albertain. Il va avoir une bataille politique à mener en 2019, car il sera en charge du dossier clé pour sa province. Jim Carr est aussi un solide ministre. Donc, c'est une solution gagnante sur toute la ligne», a ajouté la source gouvernementale, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat pour mieux expliquer les intentions du premier ministre.

«J'aime la proximité avec les gens»

Joint par La Presse, le ministre Champagne a affirmé qu'il souhaitait servir là où le premier ministre Justin Trudeau le jugeait utile. Mais il a aussi soutenu qu'il aimait prendre le temps de parler aux gens, peu importe où il se trouve, et que cela faisait partie de son ADN, ce qui est un atout en politique.

«J'aime la proximité avec les gens. Quand je vais au dépanneur mettre de l'essence, quand je vais à la pharmacie, ou au IGA, je prends le temps de parler aux gens. Dans le restaurant, je salue tout le monde ici. Je me rends quasiment jusque dans les cuisines à chaque fois ! Je ne saurais pas faire de la politique autrement», a affirmé le ministre Champagne.

«J'ai fait campagne pendant deux ans dans ma circonscription avant le déclenchement officiel des élections en 2015. Le monde me disait en me serrant la main : mais il n'y a pas d'élection ! Mais j'ai fait l'effort pour aller me présenter aux gens dans ma circonscription. Et j'ai toujours continué à le faire depuis partout où je vais», a-t-il ajouté.