L'organisation Transparency International Canada s'insurge contre la décision du gouvernement Trudeau de rejeter un amendement du Sénat qui aurait eut pour effet de rendre obligatoire la divulgation d'informations sur les propriétaires des compagnies de production de cannabis, leurs dirigeants et leurs investisseurs.

Ceci aurait eu pour but de s'assurer que le crime organisé n'utilise pas des paradis fiscaux pour blanchir de l'argent dans la production d'une drogue qui est sur le point d'être légalisée au pays.

L'un des dirigeants de l'organisation, James Cohen, a déclaré à La Presse jeudi que cet amendement était crucial pour colmater la brèche qui va persister dans le projet de loi C-45 du gouvernement Trudeau visant à légaliser la consommation de marijuana à des fins récréatives.

« Il y a toujours un trou dans le projet de loi et il faudra, tôt ou tard, le boucher, car il est évident que le crime organisé va l'utiliser pour blanchir de l'argent »,  a indiqué M. Cohen, joint à Toronto.

L'amendement qui a été rejeté avait été proposé par le sénateur conservateur Claude Carignan et endossé par une majorité à la Chambre haute. Mais la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a écarté cette mesure cette semaine au motif que cela présenterait « des défis importants au niveau opérationnel et des préoccupations en ce qui concerne le respect de la vie privée ».

Mais l'organisation Transparency International Canada estime que la meilleure façon d'assurer la transparence dans le cas des sociétés et des fiducies et « de lutter contre le blanchiment d'argent, la corruption, l'évasion fiscale, et d'autres crimes financiers et le financement du terrorisme » est de mettre en oeuvre un registre des bénéficiaires qui est accessible au public. L'amendement proposé par le sénateur Carignan aurait permis d'atteindre cet objectif.

Selon Transparency International Canada, cet amendement était une mesure « cruciale et importante » qui aurait permis de démasquer « ceux qui pourraient abuser des sociétés productrices de cannabis et des fiducies pour cacher la source de fonds et la richesse de leurs propriétaires véritables ».

Dans un rapport publié en 2016, Transparency International Canada a décrit comment le crime organisé, les fraudeurs de l'impôt, les blanchisseurs d'argent et les corrompus peuvent dissimuler leurs gains mal acquis par l'entremise de sociétés et de fiducies anonymes.

« Nous avons décrit comment, au Canada, on vérifie plus rigoureusement l'identité des personnes qui veulent obtenir une carte de bibliothèque que celle des personnes qui créent des entreprises. Les registres des entreprises ne vérifient pas l'identité et la plupart n'exigent aucun renseignement sur les actionnaires, et encore moins sur les bénéficiaires effectifs. La plupart des provinces permettent aussi le recours à des administrateurs et des actionnaires prête-noms, qui ne sont pas tenus de divulguer qu'ils agissent au nom d'un tiers », soulignait l'organisation dans un communiqué de presse émis en faveur de l'amendement de Claude Carignan, avant la décision du gouvernement Trudeau.

Joint par La Presse, le sénateur Carignan a aussi affirmé que le gouvernement Trudeau fait fausse route en rejetant une telle mesure. « Le gouvernement libéral rate complètement la cible en rejetant cet amendement », a-t-il affirmé.

Rappelons que le gouvernement Trudeau  rejeter l'amendement du Sénat qui aurait permis aux provinces de prohiber la culture du cannabis à domicile sur leur territoire, comme le réclament le Québec et le Manitoba.

Cette décision, vertement dénoncée par le gouvernement du Québec, ouvre toute grande la voie à une confrontation juridique entre Ottawa et le Québec sur cette question à moins de 16 mois des prochaines élections fédérales.

La loi fédérale prévoit qu'une personne pourra cultiver jusqu'à quatre plants de marijuana à domicile.

La Chambre des communes doit approuver à nouveau le projet de loi C-45 la semaine prochaine puisque le gouvernement a accepté d'autres amendements de nature technique. Le projet de loi sera ensuite soumis une deuxième fois au Sénat. On ignore toutefois pour le moment si les sénateurs vont insister pour que les deux principaux amendements rejetés soient inclus dans la version finale du projet de loi.