La candidature de Michaëlle Jean pour un second mandat à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) inspire moyennement le président du Sénégal, Macky Sall.

Lors d'une rencontre bilatérale avec le premier ministre Justin Trudeau, dimanche, à Québec, le dirigeant sénégalais a exprimé un appui pour le moins timide à l'ancienne gouverneure générale du Canada.

«Sa candidature ne nous gêne pas», a-t-il indiqué. Mais la question va se poser [parce que] il y a une autre candidature qui est en train de se mettre en place.»

Il a conclu en exprimant le souhait d'en discuter «de façon moins publique, disons» en regardant en direction des caméras qui étaient braquées sur lui et son hôte dans la salle du Château Frontenac où se tiendrait ensuite leur rencontre privée.

Le premier ministre Trudeau, qui avait pris la parole en premier en ouverture de l'entretien, avait pris les devants en lui soulignant que «comme vous le savez, le Canada appuie la reconduction de Michaëlle Jean comme secrétaire générale de la Francophonie».

Il en a profité pour confirmer sa présence au prochain sommet de la Francophonie, qui se tiendra en octobre à Erevan, en Arménie.

Un peu plus tard au courant de cette journée où il rencontrait une série de leaders de pays invités du sommet du G7, au Château Frontenac, le premier ministre avait à l'horaire une rencontre avec le président du Rwanda, Paul Kagame.

Rappelons que la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, tentera selon toute vraisemblance de déloger Michaëlle Jean - ce qu'elle ferait avec un appui de taille, soit celui du président français, Emmanuel Macron.

Au début de leur entretien, ni l'un ni l'autre n'a mentionné le thème de la Francophonie lors de la brève allocution qu'ils ont faite, en anglais seulement, devant les représentants des médias admis dans la salle.

Dans le compte rendu fourni par le bureau de Justin Trudeau, il est cependant mentionné que les deux dirigeants  ont «parlé de la Francophonie et de son rôle dans le rayonnement de la langue française et de la culture française» et que le premier ministre canadien «a réitéré son ferme soutien à l'égard de la réélection de Michaëlle Jean».

Le gouvernement Trudeau se range derrière la candidature de la Canadienne malgré les controverses liées à certaines dépenses jugées excessives par certains. L'opposition conservatrice est en désaccord avec cet appui et a demandé aux libéraux de larguer Michaëlle Jean, devenue, selon le député Gérard Deltell, «un embarras».

Du côté de Québec, le premier ministre Philippe Couillard a déjà signalé qu'il misait sur Michaëlle Jean. Il l'a réitéré samedi au sommet du G7 à La Malbaie à l'issue d'une rencontre avec le président Kagame.

Il n'a pas voulu révéler ce qui s'était dit derrière des portes closes, mais il a tout de même fait remarquer qu'il faudra «observer la situation africaine», car «la présence éventuelle d'une candidature africaine consensuelle aurait certainement un impact sur le cours des choses».

La victoire de Michaëlle Jean en 2014 au sommet de la Francophonie de Dakar, au Sénégal, s'explique en partie par le fait que les pays africains ont été incapables de s'entendre sur une candidature commune, ce qui avait provoqué des déchirements au sein du bloc de pays du continent.

Le président Sall a fait allusion à ces «difficultés à Dakar» lors de son échange avec Justin Trudeau. «J'espère que nous trouverons les convergences qui nous permettront d'avancer, de ne pas avoir des blessures sur la question du choix de la secrétaire générale», a-t-il exposé.

Le mandat de quatre ans de la Canadienne née à Port-au-Prince, en Haïti, vient à échéance dans quatre mois. L'élection pour le poste de secrétaire général aura lieu dans la capitale arménienne, les 11 et 12 octobre.

La lutte est déjà bien entamée, et Michaëlle Jean a infligé, la semaine dernière, un crochet aux médias qui ont publié des reportages sur ses dépenses à l'OIF.

Elle a publié une lettre ouverte dans laquelle elle accuse certaines organisations médiatiques de mener contre elle une campagne de salissage mue par des intérêts «partisans» et «idéologiques». L'ancienne journaliste ne les identifie pas, mais elle cible clairement les médias de Québecor, qui ont consacré une série de reportages à ses dépenses.

«La tâche est ardue et les chantiers d'une telle importance que je ne me laisse aucunement distraire, ni déstabiliser par les campagnes de dénigrement, de désinformation et de diffamation, aussi avilissantes soient-elles», écrit-elle dans une lettre ouverte parue le 7 juin dernier dans La Presse +.

Les médias tentent avec «acharnement», en lui attribuant «des dépenses somptuaires» et «un train de vie extravagant», de brosser un portrait «qui n'ont rien à voir» avec la personne qu'elle est, assure-t-elle en réaffirmant son intention d'améliorer et de moderniser les pratiques administratives à l'OIF.