On saura mardi au plus tôt ce que le gouvernement Trudeau fera des amendements qu'ont ajoutés les sénateurs au projet de loi sur la légalisation du cannabis.

Le texte de C-45 est de retour aux Communes après le vote en troisième lecture au Sénat, jeudi soir. À leur arrivée aux Communes vendredi matin, les ministres de la Santé et de la Justice ont promis de passer le week-end à disséquer la quarantaine d'amendements. La leader parlementaire du gouvernement ne prévoit pas pouvoir déposer un avis de débat sur ce texte avant lundi soir.

Un amendement est particulièrement surveillé par Québec: celui qui reconnaît le droit aux provinces d'interdire la culture à domicile même si la loi fédérale la permettra.

Dans un communiqué envoyé tard jeudi, après le vote des sénateurs, le ministre québécois Jean-Marc Fournier a refait l'argument pour appuyer cet amendement.

«Ottawa a l'occasion, en acceptant l'amendement proposé aujourd'hui par le Sénat, de dissiper la confusion entourant cette question et d'éviter aux Canadiennes et aux Canadiens d'avoir à assumer des recours juridiques coûteux et inutiles», écrit-il dans ce texte cosigné par la ministre de la Justice du Manitoba Heather Stefanson.

«Le Québec et le Manitoba sont en droit de s'attendre à un respect réciproque de la part du gouvernement fédéral à l'égard de l'exercice de leurs propres compétences», déclarent les deux ministres.

Les deux provinces ont déjà fait savoir qu'elles vont interdire la culture à domicile.

Vendredi matin, les ministres fédérales Ginette Petitpas Taylor et Jody Wilson-Raybould ont refusé de dire ce qu'elles feront de cet amendement.

«Ce que nous dirons, c'est que notre message a été clair», a répondu la ministre de la Justice Wilson-Raybould, elle qui a, jusqu'à maintenant, défendu bec et ongles le droit d'Ottawa de permettre la possession de quatre plants à la maison. «Cela dit, bien sûr que nous allons considérer chacun des amendements que les sénateurs nous ont envoyés. Et nous aurons plus à en dire la semaine prochaine», s'est-elle contentée d'ajouter.

Jeudi soir, des sénateurs menaçaient de renvoyer C-45 aux Communes tant que cet amendement-là ne sera pas accepté. «C'est certainement un amendement pour lequel nous serions prêts à discuter encore longtemps. Et l'été, pour nous, ne serait pas un obstacle», prévenait la sénatrice indépendante Raymonde Saint-Germain jeudi, faisant écho aux sentiments de plusieurs de ses collègues, toute couleur politique confondue.

Le calendrier parlementaire prévoit que les députés arrêtent de siéger, au plus tard, le 22 juin. Les sénateurs, quant à eux, ont prévu être en Chambre jusqu'au 29 juin.

Obstruction des conservateurs?

«M. Scheer a été très clair: ils s'opposent au principe de cette loi. Alors, nous savons comment ils vont voter», a souligné la leader du gouvernement en Chambre Bardish Chagger. Et comme le résultat est connu d'avance, Mme Chagger invite les conservateurs à faciliter le renvoi de C-45 au Sénat «aussitôt que possible».

Les députés conservateurs croisés dans les couloirs du parlement vendredi après-midi refusaient de montrer leur jeu.

«On veut faire un travail pour être constructifs [...] On ne fera pas de l'obstruction, nécessairement», a dit Joël Godin. Ses collègues et lui ralentiront-ils l'exercice? «On verra ce qu'on va prendre comme décision», a-t-il laissé tomber avant de s'éloigner rapidement des journalistes.

Son collègue Gérard Deltell n'a pas été plus candide. «Nous annoncerons notre stratégie lorsqu'elle sera définitivement connue et comme vous le savez, on ne fait jamais de stratégie ouverte», a offert l'élu québécois.

D'autres amendements majeurs

Les sénateurs ont adopté une quarantaine d'amendements, en comité, puis en Chambre. Plusieurs sont d'ordre technique.

Parmi les autres:

• Reconnaître le droit des provinces d'interdire la culture à domicile.

• Interdire la publicité des producteurs de cannabis sur des produits comme des t-shirts ou des casquettes.

• Ordonner la divulgation des noms des actionnaires et des dirigeants des entreprises de production de cannabis qui ne sont pas des résidants canadiens.

• Limiter à une infraction sommaire ou une contravention la punition d'un jeune qui partage de la marijuana avec un mineur, à condition que ce mineur n'ait pas plus de deux ans de moins que lui et que la quantité partagée ne dépasse pas cinq grammes.

• Permettre aux policiers qui saisissent du cannabis en pot de laisser mourir les plants.