Justin Trudeau a fait une halte au coeur du pays de l'aluminium, jeudi, juste avant de se rendre au sommet du G7, dans Charlevoix. Il en a profité pour répéter son plaidoyer contre les sévères tarifs douaniers imposés par Donald Trump en souhaitant que ce dernier réalise qu'il s'agit d'une grave erreur.

Le premier ministre a rencontré des citoyens, en serrant quelques mains et en prenant la pose dans un centre commercial dans le but d'appuyer la candidate libérale locale, Lina Boivin, en vue de l'élection partielle dans Chicoutimi-Le Fjord, le 18 juin.

Mais des questions de politique internationale étaient aussi en jeu.

La région du Saguenay, qui abrite une grande partie de l'industrie canadienne de l'aluminium, est étroitement liée aux discussions qui auront lieu vendredi et samedi à La Malbaie, lors du sommet du G7.

Le président américain, Donald Trump, a sérieusement irrité ses partenaires et alliés du G7, la semaine dernière, en imposant de lourds tarifs douaniers sur les importations d'aluminium et d'acier. Le Canada et l'Union européenne ont aussitôt réagi en menaçant d'administrer la même médecine aux Américains, laissant le Saguenay pris entre deux feux dans une guerre commerciale potentielle entre partenaires du G7.

En conférence de presse, M. Trudeau a rappelé qu'il demeurerait ferme pour défendre les intérêts du Canada et même ceux des États-Unis, en soulignant que des emplois sont en danger des deux côtés de la frontière.

Il espère qu'en faisant comprendre au président Trump que sa démarche est contre-productive pour ses propres intérêts, celui-ci finisse par accepter de prendre une direction plus judicieuse.

«Moi, j'ai bien hâte de le voir pour continuer les conversations franches et directes qu'on a toujours eues sur les enjeux qui sont importants», a déclaré M. Trudeau au sujet de M. Trump.

Les dirigeants d'entreprises du Saguenay craignent que ces tarifs sur l'aluminium ne nuisent aux compagnies locales, en particulier les petites entreprises qui transforment le métal en produits finis.

M. Trudeau a qualifié les tarifs américains d'«insultants», et il a promis, comme d'autres dirigeants du G7, de demander au président Trump d'annuler cette décision, lors du sommet de La Malbaie. Washington a imposé ces tarifs aux alliés du G7 en invoquant des questions de «sécurité nationale» - une interprétation que ses partenaires ont vigoureusement rejetée.

«C'est inconcevable que le Canada soit une menace à la sécurité nationale des États-Unis», a dénoncé le premier ministre.

Une longue histoire avec l'aluminium

Ironie du sort, les dirigeants du G7, dont M. Trump, devraient atterrir à la base militaire de Bagotville, à Saguenay, pour se rendre ensuite au sommet dans Charlevoix. Or, la base de Bagotville avait été précisément construite en 1942 pour protéger l'industrie de l'aluminium au Canada, qui servait à construire du matériel militaire américain pendant la Seconde Guerre mondiale.

Surnommée la «vallée de l'aluminium», Saguenay produit environ le tiers de l'aluminium canadien dans ses quatre fonderies. La ville estime que 30 000 emplois directs et indirects dépendent du secteur de l'aluminium.

De nombreux citoyens de la région, où des familles ont travaillé dans les alumineries de génération en génération, sont inquiets de l'incertitude causée par les surtaxes américaines.

«Ils veulent nous punir, mais les Américains vont payer le gros prix pour les produits qu'ils veulent», a commenté Régis Gauthier après avoir serré la main du premier ministre dans un centre commercial.

Aujourd'hui retraité, ce citoyen a travaillé pendant 31 ans dans l'industrie de l'aluminium. Il soutient que les gens se sentent comme des «cousins» vis-à-vis des Américains avec qui ils veulent entretenir un libre-échange favorable aux deux économies.

Benoît Bélanger, qui s'est entretenu avec Justin Trudeau entre deux bouchées de poutine, considère les tarifs comme un «gros enjeu» pour la région. Il souligne que ce sont de bons emplois, bien rémunérés, «qui font rouler l'économie».

De l'avis de M. Bélanger, l'imposition de surtaxes fait partie d'une stratégie bien réfléchie du président Donald Trump. «C'est un homme d'affaires qui sait où il s'en va et qui sait ce qu'il fait. C'est une game», analyse-t-il.