Alors que l'échéancier fixé par Kinder Morgan pour lever toute incertitude liée au projet d'agrandissement de l'oléoduc Trans Mountain approche à grands pas, le NPD presse le gouvernement Trudeau de mettre fin aux subventions qu'il accorde à l'industrie des combustibles fossiles au lieu de s'engager à indemniser cette société américaine pour tout délai lié à des considérations politiques.

Dans une lettre qu'il a fait parvenir au premier ministre Justin Trudeau, mercredi, le chef du NPD Jagmeet Singh s'élève contre l'idée de voir Ottawa utiliser l'argent des contribuables pour verser des indemnités à une compagnie pétrolière américaine alors que le gouvernement libéral tarde à mettre fin aux subventions à l'industrie des combustibles fossiles, comme il s'y est engagé à le faire d'ici 2025.

« Nous sommes profondément préoccupés du fait que votre gouvernement n'a pris aucune mesure pour respecter sa promesse d'éliminer les quelque 1,3 milliard de dollars en subventions payées par les contribuables qui vont à l'industrie des combustibles fossiles chaque année. Au contraire, nous avons vu votre gouvernement dans le sens inverse en promettant d'augmenter massivement ces subventions », écrit M. Singh dans cette lettre.

«Pire encore, votre gouvernement planifie maintenant une hausse substantielle de ces subventions par « l'indemnisation » d'une compagnie pétrolière du Texas, Kinder Morgan, et de ses actionnaires pour « éliminer les risques financiers » pour son projet d'oléoduc Trans Mountain. Un ancien dirigeant de TransCanada a déclaré que les risques financiers de Kinder Morgan pourraient s'élever à 10 milliards de dollars. Votre plan signifie que les actionnaires de Kinder Morgan seront protégés tandis que la population canadienne assumera l'ensemble des risques financiers et environnementaux liés à cet oléoduc », ajoute le chef du NPD dans sa lettre, également signée par les députés néo-démocrates du Québec Guy Caron et Alexandre Boulerice.

Par cette lettre, Jagmeet Singh se range résolument dans le camp du gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique, qui s'oppose au projet d'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain, un projet évalué à 7,4 milliards de dollars qui permettrait de tripler la capacité du pipeline qui relie Edmonton, en Alberta, à Burnaby, en banlieue de Vancouver.

Le projet est toutefois soutenu par le gouvernement néo-démocrate de l'Alberta, qui a menacé de couper l'approvisionnement en pétrole et en gaz à la province voisine récalcitrante si elle ne mettait pas un terme à ses démarches devant les tribunaux pour faire échec au projet d'agrandissement de Trans Mountain.

La société Kinder Morgan a pour sa part suspendu tous les investissements non essentiels liés à ce projet le mois dernier et a menacé de l'abandonner si on arrivait pas à lever l'incertitude causée par les démarches entreprises par la Colombie-Britannique au plus tard le 31 mai - soit dans une semaine.

Cette décision a forcé la main au gouvernement Trudeau, menant le ministre des Finances Bill Morneau a annoncé la semaine dernière qu'Ottawa est prêt à indemniser Kinder Morgan - ou tout autre entreprise qui voudrait prendre la relève dans l'éventualité où la société américaine décidait de l'abandonner - pour tous les délais liés à des considérations politiques.

Aux Communes, mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a défendu son bilan environnemental. « De concert avec nos partenaires du G20, nous nous sommes engagés à éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles d'ici 2025, et nous sommes en voie d'atteindre cet objectif. Le Canada est capable d'exploiter ses ressources tout en protégeant l'environnement. C'est pourquoi nous tenons à la réalisation du projet d'agrandissement du réseau de Trans Mountain, lequel créera des milliers de bons emplois », a déclaré M. Trudeau, en réponse aux questions du NPD.

Le chef parlementaire du NPD, Guy Caron, a rejeté les prétentions du premier ministre. « Ce sont juste des mots. La vérité, c'est que les libéraux n'ont aucune intention ni aucun plan pour mettre fin aux subventions à l'industrie gazière et pétrolière. La vérité c'est qu'ils veulent maintenant subventionner Kinder Morgan, et combien cela va-t-il coûter? Le gouvernement nous dit qu'il ne peut pas répondre parce qu'il ne négocie pas sur la place publique. J'ai des petites nouvelles. Quand on annonce publiquement qu'on va donner une subvention à une compagnie comme Kinder Morgan ou à une compagnie qui va reprendre le projet, on négocie déjà sur la place publique », a-t-il répliqué.

M. Caron a aussi pressé M. Trudeau à dire combien le gouvernement fédéral est prêt à verser à Kinder Morgan en guise d'indemnités. « Alors, qu'est-ce que ce sera, 500 millions de dollars, 1 milliard de dollars ou 5 milliards de dollars? ». Le premier ministre n'a toutefois pas mordu à l'hameçon.