Peut-être, mais pas tout de suite. C'est ce qu'a offert le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, en guise de réponse à une lettre de survivants et familles de victimes de l'attentat de la mosquée de Québec réclamant une interdiction des armes d'assaut au pays.

Le projet de loi C-71 sur le contrôle des armes que le ministre venait de défendre mardi devant un comité parlementaire ne prévoit pas de telle mesure. Le ministre a plaidé, en mêlée de presse, qu'il s'agissait d'une question toujours en suspens qu'il était «ouvert» à étudier.

Il a insisté sur le «consensus» qui se dégage autour des principales dispositions figurant dans la mesure législative, en particulier sur le fait que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est la mieux placée pour décider quels types d'armes à feu doivent être interdites.

Le premier ministre Justin Trudeau, à qui s'adressait la missive envoyée lundi par plus de 75 personnes touchées par la fusillade, a tenu essentiellement le même discours à son arrivée au parlement pour la réunion du cabinet, mardi matin.

«Ce qu'on a fait, et ce qu'on avait promis de faire, c'est qu'on a donné à la GRC, les experts, la capacité de classifier des armes», a-t-il argué.

«Le gouvernement Harper avait enlevé ce pouvoir de la GRC pour le donner aux politiciens; moi, je trouve que ça ne devrait pas être des décisions politiques (...) ça devrait être des choix des experts de façon ancrée dans les faits et les données», a-t-il indiqué.

Les signataires de la lettre ont déploré, dans leur missive envoyée au premier ministre Trudeau, que le projet de loi C-71 n'interdise pas les armes d'assaut comme celle qu'a utilisée le tireur de la mosquée, Alexandre Bissonnette.

«Mais dans quelle société vivons-nous pour tolérer qu'un citoyen ordinaire puisse se donner un pouvoir aussi destructeur et profiter de la faiblesse de nos lois sur la possession d'armes à feu?», écrivent-ils dans la lettre datée du 7 mai 2018.

Le tireur de la mosquée de Québec, un jeune homme qui est âgé de 28 ans, a plaidé coupable en mars dernier à six chefs d'accusation de meurtre au premier degré et six chefs d'accusation de tentative de meurtre.

En janvier 2017, il est arrivé sur les lieux de la mosquée avec une arme longue semi-automatique «Small Arms VZ58 Sporter», qui est légale et non restreinte, ainsi qu'avec deux chargeurs de 30 balles qui, eux, sont illégaux.

«Un problème canadien»

En comité parlementaire, mardi, devant des députés conservateurs sceptiques, le ministre Goodale a martelé qu'il fallait resserrer les mécanismes de contrôle face à l'augmentation du nombre de crimes commis au moyen d'armes à feu au pays.

Égrenant une série de statistiques, il a insisté sur le fait qu'il était «évident» qu'il fallait s'attaquer à ce «problème canadien», faisant valoir au passage que le problème de la violence par arme à feu ne touche pas seulement les centres urbains, mais aussi les zones rurales.

La mesure législative libérale a été bien accueillie par les néo-démocrates, mais elle passe très mal dans les banquettes de l'opposition conservatrice.

Le Parti conservateur et son chef, Andrew Scheer, accusent le gouvernement Trudeau de chercher à réinstaurer un registre des armes à feu par la porte arrière et de s'attaquer sans raison aux propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi.

En comité, le porte-parole conservateur en matière de sécurité publique, Pierre Paul-Hus, a soutenu que C-71 ne ferait «rien» pour régler le fléau de la violence par arme à feu des gangs de rues.

«Le mot gang n'apparaît même pas dans le projet de loi», a-t-il noté en adressant une question à Ralph Goodale.