Un élu conservateur québécois croit que le Canada devrait déporter illico les demandeurs d'asile du Nigeria qui ont franchi la frontière canado-américaine de façon irrégulière.

Le député Pierre Paul-Hus a formulé cette suggestion lors de la période de questions à la Chambre des communes, vendredi. « Est-ce que le premier ministre est prêt à mettre en place un mécanisme pour qu'ils soient déportés sur-le-champ? », a-t-il lancé.

En réponse à sa question, le secrétaire parlementaire à l'Immigration, Serge Cormier, a dit qu'Ottawa discutait actuellement de la situation avec Washington et que l'administration américaine avait « pris des actions très concrètes dernièrement » pour gérer le tout.

Les États-Unis ont « regardé ce qui se faisait au niveau de l'attribution de visas » et « pourquoi il y avait tant de visas d'attribués » aux Nigérians, a-t-il expliqué à sa sortie des Communes lorsqu'on l'a invité à préciser la nature des gestes tangibles posés au sud de la frontière.

Un plan d'action concret devrait être prêt la semaine prochaine, selon les informations de La Presse canadienne.

Depuis le début de l'année, la majorité des demandeurs d'asile entrés au Canada de façon irrégulière sont des ressortissants du Nigeria ayant récemment obtenu des visas de voyage américains.

Le député Cormier a accusé son adversaire conservateur de vouloir « faire peur à la population » avec sa suggestion de déportation. « Vous savez, c'est cette rhétorique-là qu'ils utilisent depuis des années et des mois au sujet de l'immigration », a-t-il argué.

« Pas compatissant »

La députée québécoise Monique Pauzé a suggéré que les propos du conservateur sont ceux de « quelqu'un qui n'est pas compatissant » à l'égard de ces Nigérians, qui pour certains fuient le groupe terroriste Boko Haram, selon un avocat canadien spécialisé en droit de l'immigration.

« Il faut se demander pourquoi ils partent du Nigeria... je trouve qu'on ne pose jamais la question. Pourquoi quittent-ils leur pays? Ce n'est pas par plaisir! Ils le quittent parce qu'il y a de la guerre, il y a la famine », a-t-elle plaidé.

Le député Paul-Hus s'est défendu de manquer de compassion alors qu'il tenait un point de presse sur la situation à la frontière en compagnie de sa collègue Michelle Rempel dans le foyer de la Chambre.

« Je ne dis pas qu'au Nigeria, ils n'ont pas de problèmes, sauf qu'il y a plusieurs pays dans le monde qui ont des réfugiés dans des camps, en attente », a-t-il lancé.

« Ces gens-là, ce n'est pas des gens qui sont dans un camp au Nigeria: ils s'organisent, ils ont les moyens de payer des passeurs. (...) Moi, la compassion, c'est envers les gens dans les camps », a tranché le député Paul-Hus.

Les « gens qui profitent d'un système, je ne peux pas avoir de compassion pour ces gens-là », a-t-il lâché.

L'élu n'a pas été en mesure de dire si une déportation entrerait en contravention avec un traité international. « Actuellement, je ne peux pas vous le dire, parce que c'est complexe », a-t-il offert.

Mais si une convention internationale était à risque d'être enfreinte, « on peut s'en retirer si c'est pour protéger la souveraineté du Canada », a insisté le député.

Au bureau du ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, on a indiqué vendredi que procéder à une déportation des Nigérians qui traversent la frontière de façon irrégulière pour demander l'asile au Canada contreviendrait à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations unies.

« Encore une fois, les conservateurs nous démontrent qu'ils n'ont aucune compréhension de la situation. Les soi-disant solutions de Pierre Paul-Hus (...) constituent de flagrantes violations de nos obligations internationales », a critiqué dans un courriel l'attaché de presse du ministre, Mathieu Genest.

Abris temporaires

Pour composer avec l'afflux de demandeurs d'asile à la frontière canado-américaine, le gouvernement fédéral veut construire des abris temporaires pour environ 520 personnes à Saint-Bernard-de-Lacolle.

Services publics et Approvisionnement Canada ainsi que l'Agence des services frontaliers du Canada ont indiqué dans un avis qu'ils souhaitaient avoir des abris chauffés, ventilés et illuminés, qui serviraient pour trois saisons.

Ces unités devraient inclure une réception, un endroit pour la sécurité, des espaces pour dormir ainsi qu'un entrepôt. Ottawa souhaite avoir d'autres espaces pour les services sanitaires et pour placer des gens en quarantaine.

Cet arrangement « permettra d'héberger tous les demandeurs d'asile qui arrivent, y compris les familles et les enfants » et « facilitera la gestion de la pression sur les ressources du Québec », a-t-on signalé au bureau du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

« Bien que le traitement initial des demandes d'asile à Saint-Bernard-de-Lacolle nécessite généralement moins de 24 heures, il est possible que lors de périodes de grande affluence, les demandeurs d'asile doivent attendre jusqu'à deux ou trois jours pour que ce traitement soit complété », a-t-on spécifié.

Mike MacDonald, un représentant du ministère de l'Immigration, a déclaré devant un comité de la Chambre des communes jeudi qu'environ 2500 demandeurs d'asile étaient arrivés au Canada depuis les États-Unis seulement au mois d'avril.

En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs entrée en vigueur en 2004, Ottawa et Washington se reconnaissent mutuellement comme un pays sûr pour protéger les demandeurs d'asile.

Cela signifie que lorsque des demandeurs d'asile se présentent à un poste-frontière, les autorités canadiennes peuvent refuser de les laisser entrer au pays parce qu'ils ont demandé l'asile en premier aux États-Unis.

C'est pour cette raison que plusieurs d'entre eux choisissent d'entrer au Canada de façon irrégulière.

Le ministre Goodale a signalé un peu plus tôt cette semaine que le gouvernement n'écartait pas l'idée de rouvrir cet accord bilatéral.