Les partis d'opposition dénoncent la campagne de salissage télécommandée par le Kremlin contre la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. Celle qui est visée par les attaques répétées de Moscou, elle, préfère ne pas commenter la manoeuvre.

La ministre pro-Kiev, interdite d'entrée en Russie, est dans le viseur de Moscou depuis des années, mais les attaques ont gagné en intensité depuis qu'elle a accédé au poste de diplomate en chef du Canada.

La plus récente salve en provenance de Moscou consiste en un long reportage de six minutes, que la télévision publique russe Russia 24 a entièrement consacré à la députée de descendance ukrainienne.

On l'y accuse d'agir en fonction de ses motivations personnelles dans sa conduite des relations diplomatiques avec la Russie, selon Radio-Canada, qui a rapporté l'existence du reportage en premier, vendredi.

Au fil du reportage, la journaliste de la télévision d'État revient également sur le passé du grand-père de Chrystia Freeland, lequel a collaboré dans un journal nazi qui démonisait les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Au bureau de la ministre Freeland, on a refusé net de réagir à cette nouvelle fronde russe, vendredi «Pas de commentaire», a tranché son attaché de presse, Adam Austen.

Les efforts de propagande russe provoquent un malaise palpable au sein du gouvernement Trudeau, comme en témoignent ce silence et celui du ministre du Commerce international.

Habituellement loquace, François-Philippe Champagne a décliné l'invitation de commenter ce qui semble une intensification de la campagne de dénigrement, vendredi.

La ministre Freeland elle-même évite généralement de commenter directement sur ces efforts de salissage.

Le porte-parole conservateur en matière d'affaires étrangères, Erin O'Toole, s'est porté à sa défense, disant au passage qu'on ne peut accorder de grande crédibilité à ce genre de reportage.

«Je suis très, très préoccupé, a-t-il dit en point de presse. Il est clair que nous ne voulons pas que la réputation de notre ministre soit salie par ces efforts russes.

«Et je crois que plus nous allons le dénoncer, plus ce qui sortira de Russie ne sera pas pris au sérieux», a ajouté le député.

Son collègue néo-démocrate Matthew Dubé trouve «extrêmement inquiétant» qu'une puissance étrangère déploie ce genre de tactique contre la ministre canadienne.

Selon lui, la ministre ne doit pas se laisser intimider par les efforts de démonisation de Moscou et infléchir ou «adoucir» ses positions face à la Russie de Vladimir Poutine.

Il juge par ailleurs la tactique d'ingérence russe préoccupante alors que les prochaines élections fédérales se profilent à l'horizon, en octobre 2019.

Diplomates expulsés

Le premier ministre Justin Trudeau a récemment établi un lien entre l'expulsion de quatre diplomates russes et cette campagne de salissage, qui s'est mise en branle il y a plus d'un an maintenant.

«Nous nous souvenons tous des efforts déployés par des propagandistes russes pour discréditer notre ministre des Affaires étrangères de multiples façons, via les médias sociaux, et en partageant des histoires diffamatoires à son sujet», disait-il le 4 avril dernier.

Le communiqué annonçant ces expulsions mentionne qu'«il a été établi que ces quatre personnes sont des agents du renseignement ou des personnes qui ont utilisé leur statut diplomatique pour compromettre la sécurité du Canada ou s'immiscer dans sa démocratie».

G7

La Russie risque d'être un sujet de discussion au sommet du G7 qui se tiendra les 8 et 9 juin dans la région de Charlevoix. C'est en tout cas le signal qu'ont envoyé les ministres des Affaires étrangères et de la Sécurité des pays membres du groupe réunis à Toronto lundi et mardi.

Leur communiqué commun mentionne qu'ils ont «abordé la dynamique préoccupante de déstabilisation générée par la Russie, notamment les interventions inacceptables de la Russie en Syrie, en Ukraine et dans d'autres pays voisins, son ingérence dans les processus démocratiques et ses campagnes de désinformation».

Le groupe des sept était jadis un groupe de huit (G8) dont faisait partie la Russie. Le pays de Vladimir Poutine s'est fait montrer la porte en 2014 en raison de l'occupation de la péninsule ukrainienne de Crimée.