David Axelrod, l'ancien proche conseiller de l'ex-président des États-Unis Barack Obama, a un précieux conseil à donner aux libéraux de Justin Trudeau à l'approche des prochaines élections fédérales : « N'ayez pas peur de défendre votre bilan dès maintenant, car il est très bon. »

Dans une entrevue exclusive accordée à La Presse, hier soir, en marge du congrès national de trois jours du Parti libéral du Canada qui a lieu à Halifax, M. Axelrod a soutenu que le gouvernement Trudeau ne devait pas commettre l'erreur stratégique qui avait failli coûter son second mandat au président Obama. Selon lui, l'équipe démocrate a trop tardé à rappeler le bilan positif du président à l'électorat américain, de sorte que l'on évaluait à seulement 40 % en 2011 ses chances de remporter un deuxième mandat.

Barack Obama, dont la popularité demeure élevée au Canada, a donc dû mettre les bouchées doubles afin de repousser l'offensive du camp républicain, farouchement opposé à la réforme en matière de santé du président, également connue sous le nom d'Obamacare.

« En 2011, un an avant les élections, la manchette du magazine du dimanche du New York Times était la suivante : "Est-ce qu'Obama est cuit ?" On disait alors qu'il n'avait que 40 % de chances de se faire réélire. Mais durant l'année qui a suivi, nous avons vraiment rappelé les différences marquées qui existaient entre toutes les mesures que le président avait mises de l'avant pour s'attaquer aux défis économiques auxquels les gens faisaient face et les propositions des républicains. Cela a fait pencher la balance », a analysé M. Axelrod, qui a été aux côtés de Barack Obama durant les deux victoires.

« Il faut souligner tout le travail que ce gouvernement libéral a fait. Il faut se rappeler pourquoi on fait ce travail. Le président Obama me rappelait souvent pourquoi on fait ce travail durant le débat sur l'Obamacare. » - David Axelrod

« On fait ce travail pour faire une différence dans la vie des gens. Ce gouvernement libéral a fait une différence dans la vie des gens de manière positive. Cela doit motiver les troupes durant les jours où vous avez le vent en face », a-t-il ajouté.

Entre autres choses, M. Axelrod a souligné la baisse d'impôts accordée par le gouvernement Trudeau à la classe moyenne, la nouvelle allocation canadienne pour enfants, les services de garde et la réforme des régimes de pensions.

M. Axelrod a tenu ces propos à La Presse avant de participer en soirée à une séance de questions et de réponses devant les militants libéraux en compagnie de Gerry Butts, le proche collaborateur de Justin Trudeau.

TRANS MOUNTAIN

Plus tôt en journée, les ministres les plus influents du cabinet Trudeau ont livré un plaidoyer bien senti pour l'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain, dans l'espoir de maintenir l'unité des troupes libérales sur ce projet controversé qui donne lieu à une guerre des mots sans précédent entre l'Alberta et la Colombie-Britannique.

Le ministre des Ressources naturelles Jim Carr, la ministre de l'Environnement Catherine McKenna et le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière Dominic LeBlanc ont tour à tour insisté pour dire que le gouvernement avait fait ses devoirs avant de donner son appui au projet de 7,4 milliards de dollars de la société américaine Kinder Morgan.

Ce projet, ont-ils soutenu, permettra de créer des emplois de qualité sans mettre en péril les objectifs du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En outre, le gouvernement Trudeau a investi 1,5 milliard de dollars dans un plan de protection des océans qui comporte de nouvelles mesures pour remédier rapidement à tout déversement de pétrole.

Les ministres, qui ont été réunis sur la scène au deuxième jour de ce congrès, le dernier du Parti libéral avant les prochaines élections fédérales prévues en octobre 2019, ont défendu l'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain alors que des groupes environnementalistes opposés à l'exploration du pétrole manifestaient devant le Centre des congrès d'Halifax, sous haute surveillance policière.

« Je ne suis pas très à l'aise de voir les provinces de l'Alberta et de la Colombie-Britannique avoir une telle discussion musclée au vu et au su de tous. Le premier ministre de l'Alberta est élu pour défendre les intérêts de sa province au meilleur de ses capacités. La même chose est vraie pour le premier ministre de la Colombie-Britannique », a affirmé le ministre Jim Carr.

« C'est un environnement politique compliqué en Colombie-Britannique. Nous comprenons cela. Mais il n'y a qu'un seul gouvernement du Canada. Et nous allons défendre les intérêts de tout le pays. »

- Jim Carr, ministre des Ressources naturelles

La ministre Catherine McKenna a pour sa part affirmé que l'Alberta, en adoptant un prix sur le carbone, constituait un acteur crucial pour la mise en oeuvre et la réussite du plan du gouvernement Trudeau en matière de lutte contre les changements climatiques. En contrepartie, le gouvernement fédéral a l'obligation de l'épauler pour acheminer son pétrole sur les marchés internationaux afin d'obtenir un juste prix pour sa ressource.

Les travaux d'élargissement de Trans Mountain permettraient de tripler la capacité de cet oléoduc, les faisant passer de 300 000 barils de pétrole par jour à 890 000 barils. Cette augmentation de la capacité aurait pour effet de multiplier par sept (soit à 34) le nombre de pétroliers qui vont et viennent au port de Burnaby.

DÉBATS DE SOCIÉTÉ

Par ailleurs, le cabinet Trudeau salue les débats de société que provoquent les militants libéraux en proposant des résolutions qui auraient pour effet de légaliser la prostitution au pays, par exemple, ou encore de décriminaliser la possession et la consommation de petites quantités de toutes les drogues.

Mais il écarte l'idée d'en faire une priorité à la Chambre des communes, soutenant que ces questions doivent faire l'objet d'une évaluation approfondie et que le gouvernement Trudeau doit consacrer ses énergies à mener à bien d'autres dossiers, notamment la légalisation du cannabis à des fins récréatives.

LE CONGRÈS EN BREF

DOUG FORD, LE « TRUMP » DU CANADA

Assistant au congrès du Parti libéral du Canada avant de partir en campagne électorale, la première ministre de l'Ontario Kathleen Wynne n'a pas mâché ses mots à l'endroit du chef du Parti progressiste-conservateur Doug Ford, largement en tête dans les sondages. Dans un discours devant les militants, Mme Wynne a affirmé que son adversaire conservateur était « le Donald Trump » du Canada. Par ailleurs, un membre haut placé de l'équipe de campagne des libéraux ontariens a dû s'excuser après avoir tenu des propos grossiers à l'endroit de M. Ford, rapporte La Presse canadienne. David Herle, coprésident de la campagne de Mme Wynne, a comparé hier Doug Ford à son défunt frère, l'ex-maire de Toronto Rob Ford. « Je pense que les gens aimaient Rob Ford, et je pense que les gens trouvent que Doug Ford est un peu un connard, honnêtement », a-t-il lancé.ARRIVÉE SURPRISE DE TRUDEAU

Alors qu'on ne l'attendait qu'aujourd'hui, le premier ministre Justin Trudeau a causé une certaine surprise en arrivant dès hier soir au congrès libéral, le dernier de son parti avant les prochaines élections fédérales. M. Trudeau a effectué un voyage d'une dizaine de jours à l'étranger qui l'a conduit au Pérou, en France et en Grande-Bretagne. Mais il a dû interrompre ce périple pendant quelques heures en rentrant dimanche à Ottawa pour tenter de dénouer l'impasse entre la première ministre de l'Alberta Rachel Notley et le premier ministre de la Colombie-Britannique John Horgan entourant l'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain.

LES YEUX RIVÉS SUR LES PROCHAINES ÉLECTIONS

Parmi les quelque 3000 participants au congrès libéral, le sujet qui domine les discussions tourne autour des prochaines élections fédérales prévues en octobre 2019 et la campagne que devront mener les libéraux pour remporter la victoire. En coulisses, les stratèges libéraux veulent aussi s'assurer que cette grand-messe libérale se termine aujourd'hui sur un message d'unité. Justin Trudeau devrait fouetter les troupes à la fin du congrès en prononçant un discours attendu, alors qu'il reste moins de 18 mois avant le déclenchement de la prochaine bataille électorale.

L'ÉPOUVANTAIL « HARPER »

Dans un sac remis aux médias, les organisateurs du congrès libéral ont pris soin d'inclure quelques souvenirs qui avaient porté leurs fruits au dernier scrutin : des macarons arborant des photos de l'ancien premier ministre Stephen Harper, mais aussi de l'actuel chef du Parti conservateur Andrew Scheer. « Nouveau patron. Même attitude que l'ancien », peut-on lire sur l'un d'entre eux. « Harper et Scheer, les meilleurs copains pour toujours », peut-on lire sur l'autre. Ces petits souvenirs démontrent que les libéraux n'hésiteront pas à agiter « l'épouvantail Harper » au besoin aux prochaines élections.