Le voyage de Justin Trudeau en Inde est revenu à l'avant-scène de l'actualité lundi à Ottawa, alors que le conseiller à la sécurité nationale Daniel Jean a fourni pour la première fois des explications sur ses interventions controversées auprès de plusieurs médias.

M. Jean a comparu pendant une heure devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Il a tenté de clarifier la confusion autour de deux invitations lancées à l'ancien terroriste sikh Jaspal Atwal pendant la mission de Justin Trudeau en Inde en février dernier.

Théorie du complot

Jaspal Atwal, condamné pour la tentative d'assassinat d'un ministre indien au Canada dans les années 80, a assisté à un premier évènement officiel où il a été photographié avec Sophie Grégoire. Il devait participer à une deuxième soirée, à Bombay, mais son invitation a été détectée - et retirée - à la toute dernière minute par les autorités canadiennes.

Dans une série d'entrevues réalisées sous le couvert de l'anonymat avec des journalistes, Daniel Jean aurait laissé entendre que les deux invitations à Jaspal Atwal avaient été lancées par une faction extrémiste du gouvernement indien. Cette manoeuvre aurait visé à embarrasser Justin Trudeau, jugé trop clément envers le mouvement indépendantiste sikh, aurait-il avancé.

«Je n'ai suggéré d'aucune manière que le gouvernement de l'Inde est derrière l'invitation», a plutôt affirmé lundi M. Jean devant les parlementaires.

«Je veux que les choses soient très claires, je ne dis pas que nous sommes victimes d'un coup de l'Inde», a-t-il ajouté

Le gouvernement indien a toujours fermement nié cette théorie, et l'opposition conservatrice demande depuis des semaines d'obtenir des détails sur la «théorie du complot» avancée par Daniel Jean. «L'affaire Atwal» s'est transformée en véritable boulet pour les troupes de Justin Trudeau en plus de jeter un froid diplomatique entre l'Inde et le Canada.

Désinformation

Sans blâmer le gouvernement indien, Daniel Jean a avancé lundi qu'il y a des «efforts de désinformation qui semblent avoir été coordonnés» pour justifier les deux invitations gênantes faites à Jaspal Atwal pendant le voyage de Justin Trudeau. 

De fausses informations ont également été publiées par des médias canadiens, à l'effet que la GRC, le SCRS et un autre organisme fédéral de sécurité auraient été au courant depuis longtemps des invitations envoyées à Jaspal Atwal. Daniel Jean dit avoir voulu corriger cette «désinformation» afin de préserver la réputation de ces trois institutions.

Citant plusieurs articles publiés après ses discussions avec des journalistes, Daniel Jean a remarqué qu'aucun d'entre eux ne parlaient de «conspiration». 

«Je ne suis pas un grand partisan des théories du complot», a-t-il avancé.

M. Jean a par ailleurs affirmé qu'il a agi de son propre chef en parlant à plusieurs journalistes, et non à la demande du bureau de Justin Trudeau - une théorie martelée depuis deux mois par l'opposition conservatrice à Ottawa.

Le comité devant lequel il a pris la parole est composé d'une majorité d'élus libéraux et compte aussi trois conservateurs, dont Pierre Paul-Hus et Erin O'Toole. Ces derniers n'ont pas semblé convaincus par la comparution du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement du premier ministre.

En plus de cette audience, Daniel Jean devrait aussi participer à une rencontre avec le chef conservateur Andrew Scheer au cours des prochaines semaines, pour partager cette fois des informations classifiées.

Le haut fonctionnaire prendra bientôt sa retraite de la fonction publique, un départ qui ne serait toutefois pas lié au fiasco indien de Justin Trudeau.

Mission en Europe

Cette audience survient alors que Justin Trudeau effectue cette semaine une mission en France et en Grande-Bretagne. 

Alors qu'il avait été critiqué pour la légèreté de son programme en Inde en février dernier, le premier ministre a un horaire rempli à craquer de rencontres économiques et politiques cette semaine en Europe. 

Justin Trudeau a par ailleurs participé au Sommet des Amériques à Lima au Pérou la semaine dernière, avant de faire un arrêt de quelques heures à Ottawa dimanche pour diriger une rencontre de haut niveau sur la crise de l'oléoduc Trans Mountain.