Le gouvernement fédéral modifie sa politique d'interdiction de territoire pour les immigrants handicapés afin de permettre à un plus grand nombre d'entre eux de s'installer au Canada sans aller toutefois jusqu'à l'éliminer complètement.

Cette politique vieille de 40 ans ne correspond plus aux valeurs canadiennes d'inclusion, d'accessibilité et de respect des droits de la personne, selon le ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, qui en a fait l'annonce lundi entouré de ses collègues Kirsty Duncan, ministre des Personnes handicapées, et de Carla Qualtrough, ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, qui a elle-même un handicap visuel.

«Ces changements correspondent à ce que les Canadiens croient, soit que les personnes handicapées peuvent faire une contribution au Canada et que nous devons en faire plus pour soutenir leur participation à notre société», a justifié M. Hussen.

Un comité de la Chambre des communes recommandait au gouvernement en décembre d'éliminer complètement la notion de «fardeau excessif» dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Toute demande d'immigration d'une personne qui aurait représenté un tel fardeau pour le système de santé et les services sociaux peut être rejetée en vertu de ce critère. La loi prévoit quelques exceptions pour les réfugiés de même que pour les conjoints et les enfants qui entrent dans la catégorie du regroupement familial.

«Nous avançons de façon responsable en faisant les changements qui sont présentement nécessaires pour que cette politique corresponde aux valeurs canadiennes et à la position de notre gouvernement, mais nous devons aussi le faire de façon à rallier les provinces», a expliqué le ministre Hussen.

Environ 1000 personnes désireuses d'obtenir la résidence permanente ou temporaire se voient refuser l'entrée au Canada chaque année pour des raisons de santé. Entre 200 et 300 cas sont ceux d'enfants qui nécessitent des services d'éducation spécialisée.

Une personne pouvait être refusée si le coût des services dont elle a besoin dépasse 6655 $ par année. Le gouvernement triple ce seuil pour le porter à environ 20 000 $, ce qui permettra à davantage d'immigrants d'être admissibles.

Ottawa modifiera également la façon dont il définit les services sociaux pour cesser d'exclure les personnes qui ont besoin de services d'éducation spécialisée, de réadaptation sociale ou professionnelle et de soutien. Les demandes d'immigrants qui ont une déficience intellectuelle, auditive ou visuelle ne seraient donc plus rejetées pour cette raison.

Ces modifications coûteront peu d'argent, soit 0,1 pour cent de toutes les dépenses en santé au pays, a souligné M. Hussen en indiquant que les provinces pourront couvrir ces frais avec les transferts qu'elles reçoivent. Il n'a toutefois pas précisé si Ottawa bonifierait ces sommes. «Nous attendons de voir l'impact que ces changements auront», s'est-il contenté de dire en ajoutant qu'il continuait de discuter avec les provinces.

Le ministre québécois de l'Immigration, David Heurtel, n'a pas voulu réagir lundi. «Il y a présentement des discussions qui se poursuivent entre le gouvernement Québec et le gouvernement fédéral sur cette question pour bien comprendre», a-t-il dit en ajoutant que Québec allait analyser l'impact de ce changement de politique avant de se prononcer.

Quatre groupes qui militaient pour une loi sur l'immigration plus inclusive à l'égard des personnes handicapées sont déçus par ces «modifications mineures». Le Réseau juridique canadien VIH/sida fait partie de ces groupes. Même si davantage d'immigrants atteints du VIH pourront s'installer au Canada, ces groupes auraient souhaité que la nouvelle politique s'applique de façon rétroactive.

Les changements annoncés par le ministre Hussen ne requerront pas l'adoption d'un projet de loi. Ils doivent entrer en vigueur au cours de l'été.