À deux mois et des poussières du sommet du G7 qui se tiendra en juin à Charlevoix, le gouvernement québécois et la Sûreté du Québec (SQ) ignorent toujours l'ampleur des dépenses qu'ils devront engager en raison de l'événement, et les négociations entourant le partage de la facture avec Ottawa n'ont toujours pas abouti.

Le Canada estime à 605 millions les coûts liés à sa présidence du G7 en 2018. Cela inclut la portion fédérale des dépenses du Sommet de Charlevoix, ainsi qu'une série d'autres rencontres étalées pendant l'année, notamment des séances d'information dans des universités canadiennes. La SQ et plusieurs villes québécoises autour de La Malbaie devront payer des millions - voire des dizaines de millions - supplémentaires pour participer à la logistique et à la sécurité avant et pendant le sommet.

La «planification» et les «estimations» sont toujours en cours, tout comme les pourparlers avec le gouvernement fédéral pour déterminer qui paiera quoi, a indiqué à La Presse Olivier Cantin, porte-parole du ministère québécois de la Sécurité publique (MSP). «Une entente devrait survenir prochainement», a-t-il affirmé.

Un rôle majeur

Même si le sommet du G7 est organisé par Ottawa, le MSP joue un rôle crucial en vue de la rencontre qui réunira les dirigeants des sept plus grandes puissances mondiales - incluant Donald Trump - et leur imposant entourage, les 8 et 9 juin prochain au Manoir Richelieu.

Le ministère dirigé par Martin Coiteux est responsable de «coordonner les ressources gouvernementales québécoises afin de soutenir le Groupe intégré de sécurité», formé par la SQ, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), a souligné le porte-parole.

«Le MSP a également la responsabilité de négocier une entente pour le remboursement, du Canada au Québec, des coûts engagés par le Québec, incluant la Sûreté du Québec, et par certaines municipalités pour les services de sécurité publique exceptionnels assurés à l'occasion du G7.»

Le modèle de partage des dépenses entre Québec et Ottawa sera inspiré de celui qui avait été mis en place pour le Sommet des Amériques à Québec, en 2001, et pour la rencontre trilatérale entre les dirigeants du Canada, du Mexique et des États-Unis à Montebello, en 2007, a indiqué M. Cantin.

L'événement de Montebello - qui avait duré à peine 22 heures - s'était soldé par des dépenses de 7 millions de dollars seulement pour la SQ, avait rapporté La Presse à l'époque. La GRC avait, quant à elle, absorbé une facture de plus de 13 millions.

Des milliers de policiers

Le sommet du G7 de juin prochain sera d'une ampleur beaucoup plus considérable. L'ensemble des hôtels, des chalets et même des terrains de camping a été réquisitionné dans un vaste rayon autour de La Malbaie pour loger les fonctionnaires et les policiers qui graviteront autour de l'évènement.

Ni la SQ ni la GRC n'ont été en mesure de fournir une estimation des dépenses qu'elles pensent devoir engager. La facture de sécurité globale se chiffrera en centaines de millions, si l'on inclut les salaires et équipements.

Le lieutenant Jason Allard, porte-parole de la SQ, a souligné à La Presse que l'élaboration des budgets était encore en phase de «planification». Le corps policier jouera un rôle central dans la protection des citoyens et des convois dans un vaste périmètre autour du Manoir Richelieu, avant et pendant le sommet. Plusieurs policiers sont déjà à l'oeuvre sur le terrain, a-t-il dit.

Plusieurs changements de dernière minute, comme un dignitaire qui déciderait de faire un détour dans la région, pourraient influencer la facture finale pour la SQ, a précisé M. Allard. «Éventuellement, il va y en avoir, des chiffres, mais ils changent à chaque jour.»

La GRC a elle aussi indiqué qu'elle fournira un montant précis seulement après la tenue du sommet. La porte-parole Camille Habel n'a pas voulu préciser le nombre de policiers mobilisés pendant le sommet «pour des raisons de sécurité», mais elle souligne qu'ils seront «des milliers».

Dans le budget fédéral présenté le mois dernier, Ottawa a annoncé un budget spécial de 259 millions pour la GRC en lien avec sa participation aux évènements du G7. Aucun détail n'a été divulgué sur la façon dont sera dépensée cette somme. La GRC a demandé un délai pour répondre à une demande d'accès à l'information formulée à ce sujet par La Presse.

Entente-cadre

Au ministère fédéral de la Sécurité publique à Ottawa, la porte-parole Karine Martel a elle aussi fait valoir qu'il sera impossible d'avoir une idée de la facture «tant que l'activité ne sera pas terminée et que les partenaires chargés de l'application de la loi et de la sécurité n'auront pas soumis les coûts afin de les faire rembourser en vertu du Cadre sur les coûts de sécurité des événements internationaux majeurs».

Cette entente prévoit une série de paramètres sur les sommes admissibles à un remboursement fédéral, comme les heures supplémentaire d'employés municipaux ou de policiers provinciaux. Une série de dépenses sont par ailleurs jugées «inadmissibles». On retrouve dans cette catégorie les «postes de remplacement des employés affectés à un événement international majeur en vertu d'ententes entre le bénéficiaire et une organisation contractante», indique le texte de l'entente-cadre.

Karine Martel a affirmé à La Presse que Sécurité publique Canada travaille «en étroite relation avec la province du Québec» en vue de négocier une entente de remboursement.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Principaux postes de dépenses liés à la présidence du G7

Gendarmerie royale du Canada (GRC) : 259 millions

Affaires mondiales : 100 millions

Ministère de la Sécurité publique : 99 millions

Défense nationale : 35 millions

Services partagés (informatique) : 34 millions

Services publics et Approvisionnement Canada : 34 millions

Santé Canada : 8 millions

Ministère des Finances : 4 millions

Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) : 2 millions

Santé publique : 2 millions

Agence des services frontaliers : 1 million

Affectation à determiner : 25 millions

Total : 604,5 millions

NOTE : Ces sommes sont liées à la présidence du G7 par le Canada en 2018. Elles ont été divulguées dans le plus récent budget fédéral.