La précarité des installations dans lesquelles sont entassés les centaines de milliers de réfugiés rohingya fait craindre le pire à l'approche de la saison des pluies, qui est sur le point de s'abattre sur le Myanmar et le Bangladesh.

Le gouvernement canadien a annoncé vendredi à Genève, en Suisse, l'octroi d'une enveloppe d'un peu plus de 8 millions $ en aide humanitaire pour aider les organismes sur le terrain à mettre en place des mesures de mitigation en prévision de la mousson.

La saison des cyclones cause presque invariablement, année après année, d'importants dommages matériels et des pertes de vie dans cette région, mais cette année, la menace pèse encore plus lourd en raison de l'exode massif des Rohingya vers le Bangladesh.

Fuyant les exactions de l'armée birmane, ils sont arrivés par centaines de milliers depuis août dernier à Cox's Bazar. Les organismes sur le terrain n'ont tout simplement pu organiser un camp structuré, selon la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau.

« On parle de toiles qui tiennent sur des bouts de bambous; ils sont installés sur des petites collines sablonneuses, donc c'est sûr que la situation est vraiment très précaire quand on anticipe qu'il va y avoir de grosses pluies, de grands vents », a-t-elle exposé en entrevue.

La ministre, qui a visité le gigantesque camp bangladais de Cox's Bazar en novembre dernier, a qualifié la situation d'« extrêmement inquiétante », citant la grande précarité des installations sanitaires comme source d'inquiétude.

« Cette contribution rapide vise vraiment à améliorer les installations pour protéger des vies, éviter de la propagation de maladies », a-t-elle expliqué.

Sur les 8 millions $ annoncés, la part du lion ira aux organismes non gouvernementaux qui sont à pied d'oeuvre au Bangladesh ainsi qu'aux communautés locales qui les appuient. Un montant de 1,5 million $ sera versé au Comité international de la Croix-Rouge, qui travaille du côté du Myanmar.

Rapport Rae

L'émissaire spécial du Canada au Myanmar, Bob Rae, n'a toujours pas déposé le rapport qu'il avait promis de livrer fin janvier. Dans un document intérimaire déposé le 22 décembre dernier, il écrivait qu'il s'était vu confier « une tâche difficile », et qu'il aurait besoin de davantage de temps.

Au téléphone, la ministre Bibeau a soutenu que le rapport final était « sur le point d'être complété », et que c'était « une question de semaines ».

Le rapport préliminaire de l'ancien chef libéral et premier ministre ontarien mentionne trois fois le nom de la leader birmane Aung San Suu Kyi - à chaque fois pour établir des faits historiques et biographiques, essentiellement.

Or, la dirigeante de facto du pays, ancienne prisonnière politique de la junte militaire, a été largement critiquée pour son inaction dans le dossier des Rohingya, une minorité musulmane victime d'un « nettoyage ethnique », selon la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

Au Canada, une pétition a été lancée pour demander au gouvernement de la dépouiller de son titre de citoyenne canadienne honoraire.

La ministre Bibeau n'a pas voulu dire si le rapport Rae contiendrait une recommandation sur ce point précis. Elle s'est aussi abstenue, comme le fait le gouvernement Trudeau, de blâmer directement Aung San Suu Kyi, récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1991.

« Je pense que c'est mieux d'avoir un canal de communication ouvert avec les dirigeants du Myanmar, parce que c'est comme ça qu'on peut avoir une influence pour une éventuelle réintégration (des Rohingya) dans le respect des droits de la personne », a-t-elle argué.