Alors que le Bloc québécois vit sa pire crise depuis sa fondation en 1991 et que le premier ministre Justin Trudeau peine à se remettre d'un voyage particulièrement difficile en Inde, le chef du Parti conservateur Andrew Scheer estime que le moment est venu d'établir «un dialogue franc, inclusif et constructif» avec les Québécois pour s'assurer qu'un éventuel gouvernement conservateur soit à l'image de leurs aspirations.

Dans une lettre ouverte qui a été diffusée aujourd'hui, le chef conservateur affirme qu'il partage l'inquiétude des Québécois devant les impairs commis par Justin Trudeau au cours des derniers mois et les chicanes qui secouent le Bloc québécois. Du même souffle, il affirme que le Parti conservateur représente une option de rechange aux libéraux de Justin Trudeau et aux bloquistes de Martine Ouellet, et il s'engage à faire en sorte que les Québécois «se sentent bien au sein de [sa] formation politique».

Dans une démarche qui n'est pas sans rappeler la main tendue de Stephen Harper aux Québécois en 2005, Andrew Scheer a décidé de prendre la plume alors que de récents sondages indiquent que le Parti libéral et le Parti conservateur sont au coude-à-coude dans les intentions de vote à l'échelle du pays pour la première fois depuis les élections fédérales d'octobre 2015 et que les appuis au Bloc québécois sont en chute libre au Québec depuis que sept des dix députés bloquistes ont quitté le parti en critiquant vertement le leadership de Mme Ouellet.

La Presse a obtenu une copie de la missive du chef conservateur, hier.

«Les Québécoises et les Québécois ont raison d'être préoccupés par ce qu'ils voient sur la scène politique fédérale en ce moment. Je m'en inquiète aussi», affirme d'emblée Andrew Scheer dans sa lettre ouverte.

«Justin Trudeau viole les lois sur l'éthique et les conflits d'intérêts, démontre quotidiennement son incompétence à gérer le pays, et met en péril nos relations commerciales avec un partenaire étranger, pendant que le Bloc vit une autre crise existentielle. Au Parti conservateur, nous savons que nous devons travailler fort pour reconquérir la confiance des électeurs. Néanmoins, je suis convaincu que de nombreux Québécois croient aux principes conservateurs. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que les Québécoises et les Québécois se sentent bien au sein de notre formation politique», ajoute le chef conservateur.

Première salve

Selon nos informations, cette lettre ouverte de M. Scheer est le premier d'une série de gestes que feront les conservateurs au Québec en prévision des prochaines élections fédérales. Le Parti conservateur compte 11 sièges dans la Belle Province, après avoir perdu la circonscription de Roberval au profit du Parti libéral lors d'une élection partielle tenue l'automne dernier. Les stratèges conservateurs rêvent de servir la même médecine aux libéraux en leur arrachant la circonscription de Chicoutimi-Le Fjord, vacante depuis la démission surprise du député libéral Denis Lemieux en novembre dernier. Une élection partielle devrait s'y tenir d'ici la fin de l'année.

«À tous les fédéralistes déçus de l'incompétence et de la mauvaise gestion de Justin Trudeau, ainsi qu'aux nationalistes qui en ont assez des chicanes et des crises existentielles du Bloc québécois et qui croient en un Québec fort au sein d'un Canada uni, il y a une place pour vous au Parti conservateur. Je mettrai tout en oeuvre pour démontrer à l'ensemble des Québécoises et des Québécois déçus de ce qu'ils voient sur la scène fédérale qu'une autre voie existe pour eux», affirme M. Scheer.

Dans sa lettre, M. Scheer rappelle certaines des mesures qui ont été adoptées sous les conservateurs de Stephen Harper pour répondre aux aspirations du Québec, notamment la reconnaissance que les Québécois forment une nation, le règlement du déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces et l'octroi d'un siège au Québec au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO.

«En tant que chef du Parti conservateur du Canada, je souhaite mener une conversation rassembleuse, positive et respectueuse avec les Québécois. Nous devons établir un dialogue franc, inclusif et constructif pour voir comment le prochain gouvernement conservateur pourra faire en sorte qu'une plus grande majorité de Québécois se sentent davantage chez eux au sein du Canada.»

En fin de semaine, un sondage Léger mené pour le compte du Journal de Montréal démontrait que le Parti libéral et le Parti conservateur récoltaient chacun 38% des intentions de vote à l'échelle nationale, tandis que le Nouveau Parti démocratique (NPD) recueillait 14%. Au Québec, le Bloc québécois ne recueillait plus que 12% des appuis, un résultat qui pourrait entraîner sa disparition. Les libéraux demeurent en tête dans la Belle Province avec 41%, mais il s'agit d'un recul de six points comparativement au coup de sonde de décembre. Le Parti conservateur est deuxième avec 22%, en hausse de quatre points, tandis que le NPD est troisième avec 16%, également en hausse de quatre points.

Un autre sondage mené par la firme Ipsos pour le réseau Global News diffusé la semaine dernière mettait le Parti conservateur en avance dans les intentions de vote au pays avec 38% des voix (en hausse de sept points depuis décembre), contre 33% au Parti libéral (en baisse de cinq points).