Le premier ministre Justin Trudeau a quitté Ottawa vendredi pour un voyage officiel d'une semaine en Inde.

Ce pays émergent, le plus populeux de la planète après la Chine, mais tout près, affiche une des économies les plus florissantes du monde; l'Inde devrait remplacer cette année le Royaume-Uni à la cinquième place des économies mondiales.

Le premier ministre, parti avec toute sa famille et quelques ministres, doit rencontrer pendant son voyage des dirigeants d'entreprises et visiter les sites touristiques incontournables du pays, comme le Taj Mahal à Agra, la grande mosquée de Delhi et l'ashram de Sabarmati, à Ahmedabad.

Par contre, M. Trudeau ne rencontrera pas les politiciens indiens qui ont publiquement accusé des ministres canadiens d'entretenir des liens avec le mouvement séparatiste sikh. Des médias indiens soutiennent que M. Trudeau aura comme guide le «ministre en chef» du Pendjab, Amarinder Singh, lors de sa visite au temple d'Or d'Amritsar, mais le cabinet du premier ministre canadien a indiqué qu'aucune rencontre n'était prévue entre les deux hommes.

Le chef du gouvernement du Pendjab avait refusé l'an dernier de rencontrer le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, qu'il accusait de soutenir le mouvement séparatiste pro-Khalistan. Plus tôt ce mois-ci, Amarinder Singh déclarait au magazine Outlook India qu'«il semblait y avoir des sympathisants khalistanis au sein du cabinet Trudeau».

Le ministre Sajjan et son collègue à l'Infrastructure, Amarjeet Sohi, deux des quatre membres du cabinet qui sont de culture sikhe, ont nié toute sympathie pour le mouvement séparatiste sikh. Ils estiment aussi que cette question n'intéresse pas beaucoup les communautés indiennes au Canada.

Le ministre en chef Singh a répliqué qu'il avait bien hâte d'en discuter avec M. Trudeau; le cabinet du premier ministre canadien n'explique pas pourquoi aucune rencontre n'a été prévue.

Peu de rencontres politiques

Cette «affaire de séparatistes» vient assombrir la toute première visite officielle de M. Trudeau en Inde. Des sources au sein du gouvernement indien indiquent qu'il sera accueilli chaleureusement, mais on signale au passage qu'au cours de cette visite de sept jours, le premier ministre ne consacrera même pas une journée entière aux rencontres politiques bilatérales.

M. Trudeau doit visiter le président de l'Inde, Ram Nath Kovind, et le premier ministre, Narendra Modi, le 23 février au palais présidentiel à Delhi.

Le premier ministre Modi a déjà évoqué la question sikhe avec son homologue canadien lors de rencontres internationales, notamment le mois dernier au Forum de Davos, en Suisse. Quelques semaines auparavant, plusieurs temples sikhs au Canada avaient refusé d'accueillir des responsables indiens, et l'affaire avait fait boule de neige aux États-Unis, au Royaume-Uni et jusqu'en Australie.

Le Canada maintient le discours officiel en soutenant l'idée d'une Inde unie, et en condamnant toute forme d'extrémisme, mais Ottawa n'entravera pas non plus la liberté d'expression des Indo-Canadiens qui sont favorables à la création d'un État sikh indépendant.

Libre-échange?

La communauté indo-canadienne, forte de plus de 1,3 million de citoyens, croît rapidement et est de plus en plus influente - politiquement et économiquement. Le succès du voyage officiel de M. Trudeau pourrait lui permettre de marquer des points aussi bien au Canada qu'en Inde.

Le commerce entre les deux pays a doublé depuis 10 ans, pour atteindre environ 8 milliards $ en 2016. Des pourparlers préliminaires ont été amorcés en 2010 pour un éventuel accord de libre-échange, mais cette visite officielle ne devrait pas marquer le début de négociations formelles, indique-t-on.

M. Trudeau est parti vendredi avec le ministre de l'Infrastructure, Amarjeet Sohi, le ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, Bardish Chagger, le ministre de l'Innovation, Navdeep Bains, et la ministre de la Science, Kirsty Duncan. Le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, et la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, iront rejoindre la délégation canadienne un peu plus tard.

Cette délégation ne comprend pas le ministre de l'Agriculture, Lawrence MacAulay, une absence qui n'a pas échappé à l'opposition conservatrice, vendredi. Plus tôt ce mois-ci, l'Inde a porté de 30 à 40% les tarifs douaniers sur les importations de pois chiches.

Plus d'une douzaine de députés indo-canadiens doivent aussi rejoindre la délégation canadienne à un moment ou l'autre du voyage officiel.