Une ancienne attachée de presse du Bloc québécois affirme avoir subi des comportements déplacés de façon «répétée et systématique» de la part du député néo-démocrate Erin Weir, suspendu de ses fonctions parlementaires plus tôt jeudi par le chef du NPD Jagmeet Singh.

Camille Goyette-Gingras, qui a travaillé sur la colline parlementaire d'avril 2016 à novembre 2017, soutient avoir vécu de nombreux malaises à chaque fois qu'elle croisait l'élu de Regina dans les couloirs du Parlement ou dans des événements mondains.

«C'était des comportements répétés et systématiques envers des jeunes exclusivement, a-t-elle affirmé à La Presse. À chaque fois qu'il nous voyait, il fallait que ça se fasse. C'était malaisant à tel point qu'il a fallu que je demande souvent de l'aide à des collègues masculins pour me sortir de ces situations.»

Mme Goyette-Gingras dit n'avoir jamais subi d'attouchements ou de comportements explicitement sexuels de la part du député de 35 ans.

«Ce n'étaient pas des propos, mais une question d'attitude», a affirmé la jeune femme, devenue récemment présidente du Forum jeunesse du Bloc québécois.

Weir se défend

Dans une déclaration envoyée à La Presse, Erin Weir a souligné ne pas connaître la teneur des allégations qui ont été faites à son endroit. «Je suis confiant de n'avoir harcelé personne et je souhaite une enquête rapide pour laver mon nom.»

M. Weir ajoute qu'il trouve «absolument correct» que le NPD ait mis en place des procédures pour enquêter sur des allégations de harcèlement. L'élu a été suspendu de ses fonctions comme porte-parole néo-démocrate en matière de contrats publics, le temps que l'enquête se déroule. Il demeure membre du caucus du NPD.

Cirque médiatique

Le cirque médiatique a commencé à s'emballer peu après 11h jeudi matin à Ottawa, quand le Nouveau parti démocratique a convoqué les médias pour une conférence de presse à 13h. 

Une fois dans le foyer du Parlement, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a expliqué d'une voix basse avoir reçu il y a 36 h un courriel comportant «une allégation troublante que je prends très au sérieux» au sujet d'Erin Weir. 

M. Singh a lancé un processus d'enquête «indépendant et exhaustif» afin de faire la lumière sur les événements. La personne ou la firme qui effectuera cette enquête n'a pas encore été choisie. 

Pas de témoin ni victime

Les faits reprochés à Erin Weir consistent en des comportements harcelants, indique-t-on au NPD. On ne fait état d'aucune allégation de nature sexuelle pour l'instant, a dit M. Singh.

Aucune victime alléguée ne s'est encore manifestée au NPD, ni aucun témoin, a précisé M. Singh pendant sa conférence de presse quelque peu surréaliste. Les nombreux journalistes présents avaient encore de nombreuses questions à poser lorsque le chef néo-démocrate a quitté le podium.

Dans un communiqué envoyé quelques heures plus tard, le chef du NPD a précisé qu'un courriel incriminant avait été envoyé aux membres du caucus du parti. 

«Il comportait des allégations selon lesquelles un député de notre caucus, Erin Weir, a eu des comportements harcelants envers des femmes - plus particulièrement, des membres du personnel du NPD.»

«Je suis engagé à créer un milieu de travail sûr pour tous et toutes, et à m'assurer que les survivantes et les survivants se sentent à l'aise de se manifester», a-t-il ajouté

Pas «noir ou blanc»

Camille Goyette-Gingras, qui affirme avoir vécu de nombreux malaises en compagnie d'Erin Weir, dit comprendre la difficulté pour les femmes visées de porter plainte dans cette situation.

«Je comprends que personne ne voulait dénoncer, parce qu'il ne s'agit pas de comportements faciles à expliquer rapidement, a-t-elle poursuivi. Ce n'est pas comme une main aux fesses.»

«C'est difficile de parler de ça, parce que ce n'est pas noir ou blanc comme situation, a-t-elle précisé. Mais j'espère que d'autres collègues vont en parler, même de façon anonyme, parce c'est dans l'accumulation que ça permettra de démontrer à quel point ces comportements posent problème.»

Les trois partis impliqués

Cette sortie publique du NPD survient au lendemain du déclenchement d'une enquête indépendante par le Parti conservateur au sujet du député sortant Rick Dykstra, qui a pu se représenter sous la bannière du parti en 2015 alors qu'il était visé par des allégations d'agression sexuelle.

Quelques jours plus tôt, c'est un ministre libéral - Kent Hehr - qui a dû démissionner de son poste pour des allégations de comportements inappropriés.

Le premier ministre Justin Trudeau a reconnu mardi en conférence de presse qu'un changement de culture était en train de s'opérer à vitesse grand V sur la colline parlementaire.

C'est donc à dire que les trois grands partis fédéraux auront été pris dans des affaires d'inconduites sexuelles en quelques jours à peine. Seul le Bloc québécois -qui comporte une députation beaucoup moins nombreuse- a été épargné jusqu'à maintenant.