Les dépenses publicitaires du gouvernement Trudeau sur le réseau social Facebook ont plus que triplé pendant la dernière année pour atteindre 4,6 millions, révèlent de nouvelles données obtenues par La Presse.

Un rapport publié hier confirme par ailleurs que les sommes investies par Ottawa en publicités numériques ont dépassé pour la première fois les sommes injectées dans les médias traditionnels. Le fédéral a dépensé 16,8 millions sur des plateformes comme Facebook et Google, l'an dernier, soit 54,7 % de sa facture publicitaire totale, selon le document préparé par Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC).

Cette forte hausse des dépenses dans les réseaux sociaux a causé des froncements de sourcils chez de nombreux élus de l'opposition, hier à Ottawa. « C'est contradictoire avec le message que le gouvernement essaie d'envoyer », a lancé le député Pierre-Luc Dusseault, porte-parole adjoint du Nouveau Parti démocratique en matière de finances.

AUCUNE TAXE

Au Canada, les géants étrangers du web ne sont pas tenus de prélever les taxes de vente, en plus de ne pas avoir à payer d'impôts d'entreprises. Plusieurs de ces entreprises ont recours à des stratagèmes dans les paradis fiscaux.

« La ministre du Revenu dit que la trappe se referme sur les individus qui font de l'évasion fiscale, alors qu'on voit que le gouvernement canadien n'a aucun problème à faire affaire avec des entreprises qui ont ce type de pratique-là », dit le député Pierre-Luc Dusseault.

La députée bloquiste Monique Pauzé dresse pour sa part un parallèle avec le traitement de faveur fiscal accordé à Netflix. Le géant américain de la télévision a été exempté de prélever des taxes de vente au Canada, a-t-on appris l'automne dernier, tandis que des entreprises locales de même nature comme illico ou ICI Tou.tv sont tenues de le faire.

« Ça envoie comme message que Google, Facebook et Netflix sont très, très proches du gouvernement libéral », a-t-elle affirmé.

« MANQUE DE COHÉRENCE »

Selon les calculs de Marwah Rizqy, professeure de fiscalité à l'École de gestion de l'Université de Sherbrooke, Google et Facebook ont enregistré à eux deux des recettes publicitaires d'environ 5,8 milliards au Canada l'an dernier, libres de toutes taxes. Il s'agit d'une hausse de revenus d'environ 1 milliard depuis un an.

La fiscaliste s'interroge sur le « manque de cohérence » du gouvernement fédéral dans ce dossier. « Tant qu'à signer des chèques à des entreprises qu'on sait être des voyous sur le plan fiscal, aussi bien signer un chèque et aller le porter directement dans un paradis fiscal », a-t-elle lancé.

CHANGER LES LOIS ?

Un rapport du législateur européen a estimé que les impôts impayés par Google et Facebook avaient à eux seuls coûté 5,4 milliards d'euros (8,3 milliards canadiens) aux pays de l'Union européenne entre 2013 et 2015. Le Canada ne détient aucune donnée sur les pertes fiscales qu'il encourt.

Google a récemment dit respecter toutes les lois fiscales du Canada. L'entreprise a souligné qu'elle facturerait des taxes sur ses ventes de publicités si Ottawa change ses lois pour l'exiger. Le cabinet de Bill Morneau a refusé de « spéculer » sur un éventuel changement législatif, hier.

Des dépenses de 36,1 millions en publicité

Le gouvernement fédéral a dépensé 36,1 millions de dollars en publicité l'an dernier, selon un rapport publié hier par SPAC. Il y a deux ans, les achats publicitaires d'Ottawa atteignaient 68,7 millions. Pour la toute première fois, le fédéral a affiché la majorité de ses annonces sur des plateformes numériques l'an dernier (54,7 %), une « réalité qui cadre avec les tendances canadiennes générales en matière de publicité ». La télévision a récolté 20,8 % des achats publicitaires (6,3 millions), suivie de la radio (8,5 %, ou 2,6 millions) et des journaux quotidiens (6,3 %, ou 1,9 million). Selon des données complémentaires envoyées à La Presse par SPAC, les dépenses publicitaires du gouvernement fédéral sont passées de 1,3 million à 4,6 millions depuis un an sur le réseau social Facebook ; de 588 000 $ à 1,9 million sur Twitter ; et de 108 000 $ à 536 000 $ sur LinkedIn. Il a été impossible hier d'avoir le détail des dépenses effectuées sur Google.