L'incertitude est terminée pour les corps de police autochtones et inuits qui craignaient de ne plus pouvoir assurer un service pourtant essentiel dans leurs communautés.

Le gouvernement fédéral leur versera 291 millions sur cinq ans à compter de 2018-2019, a annoncé mercredi le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale. Un premier pas qui doit mener à du financement récurrent.

«Pour la première fois, le gouvernement du Canada fera de son engagement financier un engagement continu et à long terme», a affirmé le ministre lors d'une conférence de presse à Winnipeg.

Une vingtaine de corps policiers autochtones du Québec craignaient de devoir cesser leurs activités après le 31 mars 2018. Ils dépendent du Programme des services de police des Premières Nations (PSPPN), subventionné par le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, qui arrivera alors à échéance.

Après avoir obtenu des signaux favorables du gouvernement québécois, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) avait lancé un cri du coeur en décembre pour inciter le gouvernement fédéral à bouger. Le PSPPN finance le salaire d'environ 300 policiers autochtones au Québec.

«On ne sera plus à la merci d'un programme d'une durée de trois ou cinq ans», s'est réjoui le chef de l'APNQL, Ghislain Picard, en entrevue.

«Ça met très certainement nos communautés sur le même pied que toute autre force policière, a-t-il ajouté. Il n'y aura pas d'incertitude que les postes de police puissent fermer leurs portes en raison du financement.»

Leur précarité budgétaire causait fréquemment un roulement de personnel élevé parmi les agents et forçait ces corps policiers à faire des choix difficiles.

«Souvent, il faut se poser la question si cette année, on s'achète un véhicule ou pas. Autre exemple, les gilets pare-balles», avait expliqué le chef de police de la communauté de Pikogan, Gerry Mapachee, lors d'une conférence de presse en décembre.

Le montant de 102 millions déjà prévu dans le budget fédéral 2017 sera bonifié pour permettre aux corps policiers autochtones d'assurer la sécurité de leurs agents, de les payer adéquatement et de se doter de l'équipement dont ils ont besoin.

Près de 45 millions supplémentaires sont prévus par Ottawa dès 2019-2020 pour l'embauche de 110 nouveaux policiers partout au pays. Le financement prévoit en outre un taux d'indexation de 2,75 % pour pallier l'inflation. Le montant annuel de 144,4 millions atteindrait ainsi 175 millions en 2022-2023.

Les ententes quinquennales du PSPPN qui arriveront à échéance dans quelques mois devront être renégociées avant la date-butoir du 31 mars sans quoi elles pourraient être prolongées d'un an. Le ministre Goodale entend ensuite transformer ce programme temporaire pour que les corps de police autochtones soient considérés comme un service essentiel.

«Le programme est en place depuis 30 ans, a-t-il constaté. Il n'a pas été modifié depuis très longtemps. Son budget est trop mince et de trop courte durée, sujet à des renouvellements ponctuels et à des extensions de temps à autre.»

Le gouvernement fédéral assumait 52 % des coûts tandis que Québec finançait les 48 % restants. Ottawa demandera aux provinces et aux territoires d'augmenter à leur tour leur financement pour que le partage des coûts demeure le même. Québec n'a pas précisé mercredi s'il allait bonifier son enveloppe.

Ghislain Picard espère éventuellement que des communautés qui ont dû se départir de leur service de police autochtone faute de fonds puissent le rétablir. Une douzaine de communautés autochtones dans la province doivent se fier à la Sûreté du Québec malgré la méfiance qu'elle peut susciter dans leur population.

«Il y a des communautés qui pourraient avoir leur service de police, mais qui ne l'ont pas, a souligné M. Picard. Ce sont des sujets comme ça qui mériteront leur place dans les discussions avec le gouvernement fédéral et avec les provinces.»

Près de 430 000 personnes dans 450 communautés sont touchées par cette annonce à la grandeur du pays.