À quelque six mois de la légalisation de la marijuana, le gouvernement fédéral et les provinces s'affrontent sur le partage des revenus provenant de la taxation de cette drogue. Et les municipalités réclament aussi leur juste part. Les ministres des Finances tiennent depuis hier soir à Ottawa une rencontre afin de trouver un compromis.

OTTAWA SE DIT FLEXIBLE, MAIS...

Avant même le début de la rencontre, hier soir, le ministre fédéral des Finances Bill Morneau a convenu que la légalisation de la marijuana aurait un impact financier important sur les provinces. S'il est prêt à trouver une formule de partage équitable, le ministre Morneau a dit qu'il fallait aussi tenir compte des besoins financiers des municipalités. Au cours des deux dernières semaines, M. Morneau s'est entretenu à ce sujet avec plusieurs maires du pays, dont la mairesse de Montréal Valérie Plante, afin d'obtenir leur son de cloche. Dans une lettre envoyée au ministre, la Fédération canadienne des municipalités a affirmé qu'elle devrait obtenir le tiers des revenus provenant de la taxation du cannabis. « Nous allons être flexibles. Il faut que l'on puisse défrayer nos coûts. Ils sont légitimes. Mais il faut aussi reconnaître que les municipalités et les provinces doivent aussi défrayer des coûts pour atteindre nos objectifs », a dit M. Morneau, qui a promis d'être aussi le porte-parole des municipalités durant sa rencontre avec ses homologues provinciaux. 

UNE ENTENTE D'ICI 24 HEURES

Les provinces, qui font front commun afin d'obtenir la part du lion des revenus provenant de la taxe sur le cannabis, souhaitent conclure une entente d'ici la fin de la rencontre. « Nous devons avoir une entente très rapidement, au plus tard d'ici la fin de notre rencontre, compte tenu de l'échéancier qui a été fixé pour donner suite à un engagement fédéral. Il y a des provinces qui sont confrontées à des défis pour réussir à tout faire dans les délais impartis », a déclaré hier soir le ministre des Finances de l'Ontario, Charles Sousa, au cours d'un point de presse commun avec son homologue du Québec Carlos Leitão. Certaines provinces, notamment le Nouveau-Brunswick, croient qu'elles devraient empocher environ 80 % des revenus de taxation du cannabis. Les provinces vont demander à Ottawa de démontrer les coûts qu'il doit encourir en raison de la légalisation de la marijuana. « C'est un enjeu très important, la taxation sur le cannabis », a dit M. Leitão. 

TOUT LE MONDE CACHE SON JEU

Le ministre fédéral des Finances Bill Morneau a dit que le gouvernement fédéral était prêt à négocier une formule de partage des revenus de la taxe d'accise sur la vente de cannabis. Mais il a refusé de préciser la formule qu'envisage Ottawa. « Nous avons commencé avec une proposition de 50-50. Mais nous pensons que c'est très important de tenir compte de la situation des municipalités à travers le pays. C'est pour cela que nous avons dit que nous pouvons être flexibles. Nous allons parler avec les provinces pour s'assurer que nous comprenons leur situation, mais sans négliger les municipalités. Finalement, nous allons trouver une solution qui tient compte des besoins des trois paliers de gouvernement au pays », a dit M. Morneau. Les provinces aussi ont refusé net de montrer leur jeu à cet égard. Mais le ministre des Finances de l'Ontario, Charles Sousa, s'est borné à répéter que la proposition initiale d'Ottawa était inacceptable.

OTTAWA RECONNAÎT LE TRAVAIL DES PROVINCES

Le gouvernement Trudeau a reconnu hier que les provinces avaient mis les bouchées doubles au cours des derniers mois afin de respecter l'échéancier serré du 1er juillet 2018 pour la légalisation du cannabis à des fins récréatives. « Je suis très reconnaissant du travail important abattu par les provinces et les municipalités. Les gens ont travaillé très fort pour que tout soit prêt à temps pour ce changement. Et il ne s'agit pas d'un petit changement en passant. Nous sommes bien conscients de cela. Mais les gens ont mis l'épaule à la roue », a indiqué hier soir le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, Bill Blair, un ancien chef de la police de Toronto. M. Blair, qui s'est vu confier le dossier de la légalisation de la marijuana par Justin Trudeau, a participé au souper de travail des ministres des Finances, hier soir.

AUTRES SUJETS À L'ORDRE DU JOUR

Le ministre des Finances Bill Morneau et ses homologues provinciaux feront aussi le point sur l'état de santé de l'économie canadienne. Ils doivent également évaluer les mesures qui devraient être prises afin de mieux combattre l'évasion fiscale. Enfin, il est prévu qu'ils abordent certains changements au programme de péréquation. À cet égard, le ministre québécois des Finances Carlos Leitão a indiqué que les paiements de péréquation que doit obtenir le Québec ne seront pas touchés par la piètre tenue de l'économie de l'Alberta, autrefois le moteur de la croissance de l'économie canadienne. La bonne tenue de l'économie canadienne dans son ensemble a nettement compensé la faible croissance en Alberta, plombée par la chute des prix du pétrole et la diminution des investissements dans ce secteur.