Le commissaire désigné aux langues officielles a été invité par deux ministres, dont Mélanie Joly, à clarifier jeudi les propos controversés qu'il a formulés au sujet du bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada.

La ministre du Patrimoine canadien n'a pas voulu commenter directement les propos du commissaire désigné, insistant sur le fait que Raymond Théberge était «indépendant» et que ce serait donc «à lui à répondre aux questions des parlementaires».

Elle a néanmoins fini par émettre un semblant de critique lorsqu'on lui a signalé que c'était son gouvernement qui avait nommé le commissaire et qu'on lui a demandé s'il elle jugerait normal qu'il ne défende pas vigoureusement le bilinguisme à la Cour suprême.

«On s'attend à ce que le commissaire aux langues officielles soit un chien de garde pour les langues officielles», a-t-elle laissé tomber en mêlée de presse avant la période des questions en Chambre, mercredi.

Son collègue Jean-Yves Duclos semble aussi d'avis qu'une mise au point s'impose. «On doit à nouveau donner la chance au candidat de se faire valoir. Je comprends qu'il n'a pas eu l'occasion de le faire de manière complète jusqu'à maintenant», a-t-il offert en matinée.

Le commissaire choisi par Justin Trudeau pour agir comme chien de garde des deux langues officielles du Canada en a surpris plus d'un en suggérant mardi devant un comité parlementaire qu'il n'était pas convaincu que ces magistrats devaient être bilingues.

Dans les couloirs du parlement, certains élus libéraux ont plaidé que les propos n'étaient pas de nature à les inquiéter. Le député Randy Boissonnault a assuré que cela ne l'avait pas mis «mal à l'aise» et s'est dit convaincu que Raymond Théberge ferait «un très bon commissaire».

Pour son collègue Darrell Samson, membre du comité qui entendait le commissaire désigné, les propos de ce dernier ont été mal interprétés: «Il a fait référence à l'inclusion et tout, mais il a terminé en disant qu'il croyait (en l'importance d'avoir) des juges bilingues, la dualité».

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) ne voit pas les choses du même oeil et a réclamé des précisions en faisant valoir que les communautés linguistiques minoritaires attendent du commissaire «une position claire, ferme et sans ambiguïté».

Car ces communautés «ont des attentes très élevées envers le prochain commissaire aux langues officielles. Elles veulent un chien de garde qui n'acceptera aucune dilution des principes de la dualité linguistique au pays», a déclaré le président Jean Johnson dans un communiqué.

Le Franco-Manitobain sur qui le gouvernement a jeté son dévolu, après la nomination avortée de Madeleine Meilleur, semblait voguer assez confortablement vers une confirmation de sa désignation, qui a été annoncée jeudi dernier.

C'était jusqu'à ce qu'il se présente devant le comité des langues officielles, mardi. Il a alors lancé une petite bombe en réponse à une question de la députée néo-démocrate Anne Minh-Thu Quach sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême.

«En principe, moi, j'y crois; en pratique, jusqu'à quel point est-ce qu'on va représenter la diversité canadienne à la Cour suprême? C'est la Cour suprême de tous les Canadiens, donc au niveau pratique, on doit commencer à songer qu'est-ce que ça veut dire», a-t-il argué.

On n'a pas pu en savoir davantage: la comparution de Raymond Théberge a été interrompue en raison d'un problème technique - et parce que le principal intéressé a refusé de répondre aux questions des journalistes à sa sortie de la salle de comité.

Le commissaire désigné remettra ça jeudi. Il reprendra son témoignage en fin d'après-midi, tout juste après celui de Mélanie Joly. La ministre a été convoquée pour parler du rapport annuel sur les langues officielles 2015-2016.

Il y a cependant fort à parier que l'opposition, en particulier les néo-démocrates, déviera du sujet. D'ailleurs, la formation compte envoyer au front son ancien chef, Thomas Mulcair, qui doit rentrer mercredi soir d'un voyage en Asie avec une délégation de parlementaires.