Le Canada a partiellement levé le voile sur son réengagement au sein des opérations de maintien de la paix des Nations unies, hier. L'annonce, qui était attendue depuis l'élection des libéraux, il y a deux ans, en a laissé plusieurs sur leur faim.

Un avion de transport, une force de réaction rapide de 200 militaires, des hélicoptères et des formateurs ; ce sont les ressources militaires que le Canada entend mettre à la disposition des Nations unies (ONU).

Le premier ministre Justin Trudeau, qui en a fait l'annonce hier, au sommet sur les opérations de maintien de la paix des Nations unies à Vancouver, n'a cependant pas indiqué où et quand ces ressources seraient déployées.

Seule certitude : c'est en Ouganda, où se trouve le Centre d'appui régional de l'ONU pour l'Afrique, que sera envoyé l'avion Hercule C-130 des Forces armées canadiennes, «pour une durée maximale de 12 mois», précise Ottawa.

Cette base se trouve à proximité de la République démocratique du Congo, du Soudan, du Soudan du Sud et de la Centrafrique, où se trouvent d'importantes opérations onusiennes.

Le Canada entend également mettre sur pied une équipe d'assistance et d'entraînement qui viendra en aide aux pays qui contribuent aux opérations des Nations unies, avant et pendant leur déploiement.

L'annonce déçoit Bruno Charbonneau, professeur à l'Université Laurentienne et directeur du Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de paix de l'Université du Québec à Montréal, qui la qualifie d'«exercice de relations publiques».

«On parle de faire le taxi en Ouganda, entre les missions, avec un seul avion.» 

Ottawa dit être en pourparlers avec l'ONU pour déterminer où et quand seront déployées les ressources annoncées hier et se donne cinq ans pour le faire, ce qui fait bondir Bruno Charbonneau.

«[Ils font] quoi depuis deux ans ?», s'exclame-t-il, rappelant les tournées effectuées par différents ministres canadiens en Afrique.

Le directeur de l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaire François Audet abonde dans le même sens ; trouvant «frustrant» qu'Ottawa n'ait pas tenu compte des nombreuses consultations menées auprès d'experts canadiens depuis deux ans.

«La montagne accouche d'une souris !»

Le chercheur Jocelyn Coulon, qui a été conseiller de Stéphane Dion lorsque celui-ci était ministre des Affaires étrangères, déplore que le Canada n'ait pas répondu aux «besoins urgents» exprimés par les Nations unies.

«Il n'y a pas de volonté de s'engager sérieusement, de façon substantielle et ciblée, comme c'était envisagé en août 2016», dit-il, rappelant que le gouvernement libéral avait alors annoncé son intention de déployer de 400 à 600 militaires et 150 policiers dans des missions de paix.

Les alliés européens du Canada, qui ont depuis envoyé des troupes au Mali, notamment, et qui y espéraient des renforts, «vont être très déçus», prévient Jocelyn Coulon.

Femmes et enfants-soldats

Le Canada a aussi annoncé hier un investissement de 15 millions de dollars dans la mise sur pied de l'Initiative Elsie, un fonds visant à augmenter la participation des femmes dans les opérations de paix, nommé en l'honneur d'Elsie MacGill, pionnière canadienne des droits des femmes.

Ottawa veut de plus s'investir dans la protection des enfants-soldats et la formation des militaires à cette réalité en adoptant, à l'occasion de ce sommet, les Principes de Vancouver.

Faire plus de place aux femmes et préparer les militaires à faire face à de jeunes combattants «va donner des résultats, mais pas tout de suite», relève Jocelyn Coulon, qui rappelle au passage que le Canada lui-même «n'a que 15 % de femmes dans son armée de terre [et que] très peu sont déployées ».

François Audet souligne pour sa part que la protection des enfants dans les conflits n'a «rien de nouveau», que «la Convention de Genève et les Principes de Paris prévoient déjà ça».

Discours «paternaliste»

Dans son discours, hier, Justin Trudeau a rappelé que la nature des conflits dans lesquels l'ONU doit intervenir a changé, insistant sur la volonté du Canada de contribuer à modifier la façon de mener des opérations de paix.

«C'est un peu paternaliste [de dire cela] aux gens qui font du maintien de la paix, estime Bruno Charbonneau, comme si le Canada allait sauver l'ONU, alors que le Canada n'a pas fait de maintien de la paix depuis 20 ans.»

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Réaction «enthousiaste» des Nations unies

Les Nations unies ont réagi avec enthousiasme, hier, à l'annonce de la future contribution canadienne aux opérations de maintien de la paix. «Ça touche des domaines dans lesquels on a de vrais besoins, des besoins importants», a indiqué dans une entrevue téléphonique avec La Presse le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix. Le diplomate onusien «voit comme positif» que le Canada n'ait pas encore déterminé où il déploiera ses effectifs, ce qui donnera ainsi une plus grande flexibilité à son organisation.

Les grandes lignes de l'annonce

Le Canada s'engage à mettre à la disposition des Nations unies :

- un avion de transport Hercule C-130

- jusqu'à deux forces aériennes opérationnelles dotées d'hélicoptères

- une force de réaction rapide de 200 militaires

- une équipe d'assistance et d'entraînement aux missions de maintien de la paix

- 15 millions de dollars pour créer un fonds afin d'aider au déploiement de femmes dans les missions de paix

- adoption des Principes de Vancouver sur les enfants-soldats