Le gouvernement fédéral ne pourra plus imposer des gardes obligatoires à ses juristes sans les rémunérer, a indiqué la Cour suprême vendredi.

Ces juristes, à l'emploi de la Direction du droit de l'immigration du Bureau régional du Québec du ministère de la Justice du Canada, réclamaient que les périodes de garde qu'ils devaient faire les soirs et les week-ends pour traiter des demandes de sursis urgentes leur soient payées comme c'était le cas jusqu'en 2010.

Une nouvelle directive émise par leur employeur précisait alors qu'ils ne recevraient plus de congés payés en guise de compensation. Le gouvernement fédéral mettait ainsi fin à une pratique qui avait cours depuis le début des années 1990 pour la remplacer par une rémunération moins avantageuse. Les juristes de garde étaient compensés seulement lorsqu'ils étaient appelés au travail pour traiter une demande urgente même s'ils devaient s'assurer d'être disponibles après les heures normales de travail.

Cette nouvelle politique avait eu pour effet de réduire le bassin de volontaires pour assurer les périodes de garde, ce qui avait poussé l'employeur à les rendre obligatoires.

L'Association des juristes de justice avait alors déposé un grief et un arbitre lui avait donné raison. La Cour d'appel fédérale s'était plutôt rangée du côté de l'employeur, ordonnant qu'un autre arbitre revoie le grief.

Sept des neuf juges de la Cour suprême maintiennent en partie la décision de l'arbitre en droit du travail qui estimait que la directive de l'employeur n'était ni raisonnable ni équitable.

Le jugement écrit par la juge Andromache Karatkasanis souligne qu'une «directive qui supprime unilatéralement la rémunération accordée en contrepartie d'une obligation de disponibilité crée une iniquité apparente lorsqu'une telle rémunération constituait une pratique de longue date». Elle appelle le gouvernement fédéral à trouver d'autres moyens pour répondre à ses besoins organisationnels.

Elle écrit toutefois que cette directive ne porte pas atteinte au droit à la liberté garanti par la Charte canadienne des droits et libertés puisqu'elle ne touche pas des choix fondamentaux.

Tous les juges de la Cour suprême s'entendent sur ce point. C'est la raison pour laquelle les deux juges dissidents Suzanne Côté et Michael Moldaver auraient plutôt renvoyé le litige devant l'arbitre en droit du travail.