Les futurs juges de la Cour suprême n'auront pas l'obligation d'être bilingues.

Une majorité de libéraux a voté contre un projet de loi visant à ajouter ce critère à la nomination des juges. Ils avaient pourtant appuyé un projet de loi similaire lorsqu'ils étaient dans l'opposition.

Le projet de loi C-203 du néo-démocrate François Choquette a été défait en deuxième lecture par 224 députés, alors que 65 ont voté pour, mercredi soir, incluant des libéraux et des conservateurs.

«C'est une déception bien entendu», a confié le député à sa sortie de la Chambre des communes.

«Je pensais que mes collègues libéraux qui ont voté en faveur du projet de loi et qui croient au bilinguisme des juges à la Cour suprême (...) allaient travailler très fort pour influencer les réticences qu'il y avait.»

Dix-sept députés libéraux d'arrière-ban ont voté avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) et contre leur gouvernement.

Neuf députés conservateurs ont également appuyé le projet de loi qui a été rejeté par le reste du caucus.

«Les conservateurs ont toujours voté contre ce projet de loi-là et j'ai vu une ouverture», s'est consolé François Choquette.

«On veut défendre le fait français, alors c'était un vote symbolique», a expliqué le conservateur Jacques Gourde après le vote.

Le projet de loi visait à rendre obligatoire la compréhension du français et de l'anglais sans l'aide d'un interprète comme condition pour la nomination de juges à la Cour suprême.

Les libéraux qui se sont opposés estiment que l'ajout de ce critère nécessiterait un amendement constitutionnel plutôt qu'une simple modification à la Loi sur la Cour suprême.

«C'est un projet de loi qui est mal rédigé dans le sens que ça tient pas compte des questions constitutionnelles là-dessus», a souligné le député libéral David Lametti.

Il croit également que le gouvernement doit se garder une marge de manoeuvre pour pouvoir nommer au besoin un juge qui aurait une expertise dans un domaine du droit particulier ou un juge autochtone qui ne maîtriserait pas nécessairement le français.

«Cet argument constitutionnel ne tient pas la route», s'est exclamé le libéral Nicolas di Iorio, qui a voté pour le projet de loi.

«Le gouvernement a décidé d'émettre des directives à l'effet que les juges de la Cour suprême devraient être bilingues, a-t-il poursuivi. Alors, si le dernier à être nommé l'a été en vertu de cette directive-là, pourquoi n'a-t-on pas contesté sa nomination?»

Le gouvernement Trudeau s'est déjà engagé à nommer des juges bilingues au plus haut tribunal du pays, mais il n'a pas l'obligation de le faire en vertu de la loi.

Le néo-démocrate François Choquette croit tout simplement que les libéraux utilisent l'argument constitutionnel comme excuse.

«Si vraiment les libéraux croyaient à ça, pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas fait un renvoi à la Cour suprême sur ce dossier-là, a-t-il demandé. C'est qu'ils ne veulent pas aller de l'avant pour le mettre dans un cadre législatif.»

Il songe déjà à une nouvelle façon de revenir à la charge en proposant un amendement à la Loi sur les langues officielles. Cet amendement éliminerait l'exemption accordée aux juges de la Cour suprême pour la compréhension du français et de l'anglais sans interprète.