Les coups de matraque, tirs de balles de caoutchouc et autres gestes de violence posés par la garde civile contre la population catalane à la demande de Madrid ne seront pas condamnés par la Chambre des communes comme le souhaitait le Bloc québécois.

La formation a échoué dans sa tentative de déposer une motion allant en ce sens, lundi.

Des élus ont crié «Non!» lorsque le député bloquiste Luc Thériault a demandé le consentement pour déposer la motion visant à condamner «la répression violente orchestrée par le gouvernement espagnol lors du référendum catalan du 1er octobre 2017».

L'élu s'est désolé de ce dénouement, lundi, à sa sortie de la Chambre. Il a tiré à boulets rouges sur le gouvernement libéral et la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, qu'il a taxée de «démocrate du dimanche» et dont il a dénoncé le «silence complice».

«Ce qui s'est passé en fin de semaine, si tu n'es pas capable de dénoncer ça, je ne sais pas de quelle démocratie tu me parles», a pesté le député indépendantiste.

«Je ne sais pas quel genre de politique étrangère tu fais quand tu es capable d'accepter ce que le gouvernement espagnol a fait au peuple catalan», a enchaîné M. Thériault après avoir vu des collègues - libéraux et conservateurs, selon lui - refuser le dépôt de sa motion.

Le Bloc espérait faire sortir le gouvernement Trudeau de son mutisme au lendemain d'une journée émaillée de violences en Catalogne. Sous les ordres du gouvernement espagnol, la garde civile a rudoyé des électeurs pour les empêcher de voter au scrutin sur l'indépendance.

Le premier ministre Justin Trudeau et Mme Freeland ont refusé lundi de répondre aux questions des journalistes sur ces violences qui ont fait des centaines de blessés, dont l'écrasante majorité chez les Catalans.

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice a tenté le coup pendant la période des questions en Chambre.

«En Catalogne, nous avons été les témoins de scènes désolantes d'un passé qu'on croyait révolu. Des gens arrêtés, blessés, tirés dessus par des balles de caoutchouc, des personnes âgées traînées dans la rue. Et pourquoi? Parce qu'ils voulaient voter», s'est-il indigné.

«Madrid bafoue dans la force le droit des Catalans à l'autodétermination. Le premier ministre, toujours empressé de donner des leçons de démocratie et de droits humains, ne dit rien. Pourquoi le silence du gouvernement sur la situation en Catalogne?», a-t-il enchaîné.

C'est la leader du gouvernement en Chambre, Bardish Chagger, qui a pris la question du député Boulerice.

«Je vais prendre un moment pour féliciter le NPD qui a procédé à l'élection de son nouveau chef. Son élection amène une diversité nouvelle et réjouissante parmi les chefs des partis fédéraux», a-t-elle débuté.

«Notre gouvernement demeurera concentré sur la protection de l'environnement, sur la croissance de l'économie et sur le renforcement de la classe moyenne. Nous sommes impatients de débattre et de travailler avec le NPD (...)», a complété Mme Chagger.

Abasourdi, le député néo-démocrate est revenu à la charge. Cette fois, la ministre Freeland a pris la question, essentiellement pour répéter la déclaration transmise la veille par son attaché de presse, se disant «très préoccupée» par le bilan des heurts entre policiers et citoyens.

«La question de la Catalogne est une affaire interne pour l'Espagne. Nous, comme tous les Canadiens, espérons qu'une solution sera trouvée à travers un dialogue pacifique, un dialogue dans le contexte de la constitution de l'Espagne», a-t-elle dit en lisant un carton en Chambre.

Le chef conservateur Andrew Scheer, de son côté, a refusé de condamner Madrid pour les violences. Après une brève mêlée de presse, un employé de son équipe des communications est venu reprocher aux journalistes de poser des questions sur un événement «bizarre».

Quant au chef fraîchement élu du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, il a dit juger «complètement inacceptable» que le gouvernement canadien ne condamne par l'usage de la force par Madrid contre la population de la Catalogne.

«On doit parler des droits de la personne, on doit être leaders à travers le monde. Tous les gens à travers le monde ont le droit à l'autodétermination», a-t-il dit lors de sa première mêlée de presse comme chef dans le foyer des Communes.

À la mi-septembre, alors que Madrid avait commencé à fermer des sites internet et menacer des maires de sanctions pénales, Justin Trudeau s'était dit «convaincu» de l'«importance» du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais avait refusé de critiquer le gouvernement espagnol.

Du côté de Barcelone, lundi, le gouvernement régional catalan de Carles Puigdemont a tenu une réunion de cabinet à huis clos afin de discuter des prochaines étapes de son plan pour déclarer son indépendance de l'Espagne.

Le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, de son côté, rencontrera les dirigeants du Parti populaire au pouvoir avant de demander aux parlementaires de discuter de la façon de gérer la crise constitutionnelle et sociale qui secoue son pays.

On évalue à près de 900 le nombre de personnes qui ont été blessées lors d'affrontements avec la police antiémeute. Les services de santé de la Catalogne ont précisé lundi que quatre personnes demeuraient à l'hôpital, dont deux dans un état grave.

Trente-trois policiers ont aussi été blessés.