Depuis qu'il est au pouvoir, Justin Trudeau s'est fait l'apôtre du multilatéralisme et d'un rôle accru du Canada au sein de l'Organisation des Nations unies.

Le boulot accompli par le Canada durant la conférence de Paris sur les changements climatiques, en décembre 2015, en était la toute première manifestation. L'intention du gouvernement Trudeau d'investir 450 millions de dollars sur trois ans et de déployer quelque 600 soldats canadiens pour appuyer les opérations de maintien de paix à l'étranger s'inscrit aussi dans cette volonté de renforcer les institutions multilatérales.

Justin Trudeau était d'ailleurs de passage, hier, au siège de l'ONU, à New York, afin d'y rencontrer notamment le nouveau secrétaire général António Guterres, en poste depuis le 1er janvier. Le hasard a voulu que cette rencontre survienne quelques heures avant que les États-Unis ne lancent des dizaines de missiles contre une base aérienne en Syrie.

Avant même le début de cette offensive militaire autorisée par le président américain Donald Trump, Justin Trudeau avait exprimé toute son horreur et condamné à sa manière l'attaque chimique lancée par le régime de Bachar al-Assad, qui a fait 80 morts, dont des enfants, plus tôt cette semaine.

En faisant cette déclaration, le premier ministre canadien espérait sans doute que l'ONU assume un rôle de leadership dans cette poudrière géopolitique.

Alors que Donald Trump affirmait cette semaine encore qu'il ne voulait plus que l'on compte sur les États-Unis pour jouer le rôle de policier afin de régler des conflits qui font rage dans divers endroits du monde, voilà que Justin Trudeau se retrouve face à un président qui exerce le pouvoir depuis moins de 100 jours et qui vient essentiellement de déclarer la guerre à la Syrie sans en avoir saisi l'ONU au préalable.

La décision du président Trump d'agir sans le feu vert de l'ONU pourrait avoir de lourdes conséquences sur l'échiquier mondial. Les proches collaborateurs de Justin Trudeau en sont fort conscients. Hier soir, ils ont opté pour la plus grande prudence, refusant de donner quelque indice que ce soit sur l'appui que pourrait donner le Canada à cette offensive militaire.

Dans certaines capitales étrangères, Justin Trudeau est d'ores et déjà perçu comme le nouveau leader du mouvement progressiste après le départ de Barack Obama. Alors qu'il était toujours à la barre du ministère des Affaires étrangères, l'automne dernier, Stéphane Dion avait confié à La Presse qu'il avait été surpris de constater jusqu'à quel point on comptait sur le Canada pour s'assurer que Washington ne mine pas la viabilité des institutions telles que l'ONU dans la foulée de la victoire d'un Donald Trump prêchant le protectionnisme et l'isolationnisme. 

Depuis janvier, le gouvernement Trudeau multiplie les efforts pour défendre l'Accord de libre-échange nord-américain, que souhaite renégocier Donald Trump pour soutirer des concessions au Canada et au Mexique. Pour augmenter ses chances de succès, M. Trudeau a décidé de faire appel aux conseils de l'ancien premier ministre progressiste-conservateur Brian Mulroney, le père de l'ALENA, qui compte un vaste réseau d'amis au sein des républicains et des démocrates aux États-Unis.

Il se trouve que Brian Mulroney a aussi côtoyé un président américain, George Bush père, qui a déclaré la guerre à l'Irak après l'invasion du Koweït par Saddam Hussein, en janvier 1991, après avoir obtenu l'aval des Nations unies.

Justin Trudeau sera-t-il tenté de solliciter aussi les conseils de Brian Mulroney sur le conflit en Syrie qui vient de prendre une tout autre tournure avec l'offensive américaine d'hier soir ? Ou préférera-t-il consulter l'ancien premier ministre Jean Chrétien, qui avait refusé d'appuyer la décision d'un autre président, George W. Bush, d'envahir aussi l'Irak en 2003, parce qu'il n'avait pas obtenu l'autorisation de l'ONU au préalable ?