La sénatrice conservatrice Lynn Beyak ne veut démissionner ni du Sénat ni de son siège dans un comité sénatorial, tout en maintenant ses propos sur les pensionnats autochtones.

Mais la résistance de la sénatrice pourrait céder bientôt alors que le nouveau leader des conservateurs au Sénat promet de régler ce dossier d'ici quelques jours.

Après avoir répété en entrevue au réseau CBC, lundi, que les pensionnats autochtones avaient du bon, la sénatrice refuse d'abandonner son siège au comité sénatorial sur les peuples autochtones.

La présidente de ce comité, Lillian Eva Dyck, a déclaré en arrivant à la réunion du comité mardi matin que la situation était «étrange».

La sénatrice Beyak, elle, a refusé de répondre aux questions des nombreux journalistes qui l'attendaient à la porte du comité. Elle s'est contentée de lâcher que ses commentaires de la veille «tenaient».

C'est au cours d'un débat dans la Chambre du Sénat, au début du mois, que la sénatrice Beyak a fait, pour la première fois, les déclarations qu'on lui reproche.

«Les personnes qui ont joué jadis un rôle dans les pensionnats indiens, dont certaines sont peut-être même vos ancêtres, avaient surtout de bonnes intentions, et nous devrions pardonner à celles pour qui ce n'était pas le cas», avait-elle affirmé alors.

Depuis, plusieurs ont réclamé sa démission du Sénat.

Le député néo-démocrate Romeo Saganash, un survivant des pensionnats, a été parmi ses détracteurs les plus sévères, lui rappelant que l'expérience des pensionnats était un «génocide culturel».

«À mon avis, dire que les pensionnats, c'était quelque chose quand même de bien, que ce n'était pas malintentionné comme institution, ça équivaut à dire que ce que Hitler a fait envers les Juifs, ce n'était pas malintentionné», avait-il dénoncé.

Des groupes autochtones, dont l'Assemblée des Premières Nations, ont offert à la sénatrice de mieux l'informer sur l'histoire des pensionnats autochtones. L'Église anglicane s'est jointe au concert de reproches, demandant pardon, une fois de plus, pour le rôle de l'Église dans les pensionnats.

La sénatrice Beyak, elle, en entrevue à CBC lundi, disait qu'elle en savait déjà suffisamment sur le sujet et n'avait pas besoin de parfaire son éducation.

Les appels à la raison se multipliaient pourtant, mardi, dans les couloirs du Sénat.

«Tout le monde peut s'amender. Tout le monde peut avoir à réévaluer sa position. Il y a un dicton populaire: il y a seulement les fous qui ne changent pas d'idée», de l'avis du sénateur Serge Joyal.

Mme Beyak, nommée en 2013 par Stephen Harper, refuse de quitter son siège au Sénat. Quant à son fauteuil au comité sénatorial sur les peuples autochtones, seul le leadership conservateur pourrait le lui ôter, ce pouvoir n'étant pas entre les mains de la présidente du comité.

Or un nouveau leader conservateur au Sénat a été choisi, justement, mardi. Larry Smith succède à Claude Carignan, qui quitte ce poste vendredi.

M. Carignan remet le délicat dossier dans les mains son successeur.

«La composition des comités est faite par le comité de sélection, mais sur recommandation des whips. Ce sera donc au nouveau leadership au Sénat à prendre ces décisions», a commenté le sénateur Carignan.

Le nouveau leader semble vouloir agir rapidement. «J'ai l'habitude de faire les choses plutôt vite. Mais donnez-moi au moins 24 à 48 heures pour m'organiser dans mon nouveau poste», a-t-il déclaré à la sortie de la réunion où les sénateurs conservateurs l'ont élu leader.

Il a l'intention de s'asseoir avec la sénatrice Beyak «bientôt». «C'est une situation qui est sur l'agenda à très haut niveau», a assuré M. Smith.

Et si le leader conservateur ne sanctionnait pas la sénatrice?

Le sénateur Joyal, qui siège depuis 1997 au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, estime qu'il y a une autre façon de montrer la porte à Mme Beyak.

«Le comité (sénatorial sur les peuples autochtones) peut adopter une motion et faire rapport au Sénat qu'il demande la recomposition du comité. Et le Sénat prendra la décision qu'il estime appropriée dans les circonstances», a expliqué le sénateur Joyal.

«Le comité peut faire rapport au Sénat et souligner au Sénat que la présence de l'un ou de l'autre sénateur nuit aux travaux du comité», a-t-il précisé.

La présidente du comité, la sénatrice Dyck, assure qu'elle a vérifié et que la proposition de son confrère Joyal «n'est pas une option».

Mercredi soir, le comité sénatorial reçoit comme témoins deux membres du Comité des survivants des pensionnats indiens. La semaine dernière, la sénatrice Dyck s'inquiétait que la présence de Mme Beyak au comité ne froisse pareils témoins.