Le maire de l'arrondissement Saint-Laurent, Alan DeSousa, juge que le Parti libéral du Canada (PLC) doit trouver une façon de «réparer» le tort qu'il lui a causé, car en bloquant sa candidature à l'investiture sans expliquer pourquoi, la formation laisse planer un doute sur son intégrité.

Le comité permanent d'appel du parti a maintenu jeudi soir la décision du comité du feu vert, qui avait refusé dimanche dernier d'accorder à celui qui est maire de l'arrondissement montréalais depuis plus de 15 ans le droit de se présenter dans la course à la succession de Stéphane Dion.

La maire DeSousa n'a pas l'intention d'aller plus loin. Mais même s'il «tourne la page», il estime tout de même «aberrant» que le parti puisse «prendre des décisions avec des informations secrètes», un processus opaque qui entraîne des résultats «mesquins», selon lui.

«J'ai toujours été une personne droite (...) Je ne peux pas laisser les gens jouer et ternir ma réputation. Je suis un homme public. Mon nom est très précieux. Ma réputation est très précieuse», a-t-il insisté.

En février 2013, les bureaux de l'arrondissement de Saint-Laurent ont été perquisitionnés par des agents de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Alan DeSousa, qui a siégé au conseil exécutif de l'ex-maire de Montréal, Gérard Tremblay, avait été rencontré par les limiers.

À l'autre bout du fil, il jure qu'il n'a «jamais» fait l'objet d'une enquête. Le porte-parole de l'UPAC, Mathieu Delisle, n'a pas voulu confirmer ou infirmer cette affirmation. «On ne commentera pas ce cas précis», a-t-il signalé.

Au PLC, on refuse net d'expliquer ce qui est derrière le rejet de la candidature de M. DeSousa. La porte-parole du parti, Marjolaine Provost, s'est contentée de confirmer que le comité permanent d'appel, dirigé par Stéphane Lacoste et Sarah Sidhu, a rejeté l'appel.

«Cette décision confirme que les libéraux locaux inscrits auront un candidat validé d'une manière qui est conforme aux règles du parti, avec le type de diligence à laquelle les Canadiennes et les Canadiens s'attendent de la part d'un parti politique fédéral», a-t-elle écrit.

L'exclusion du politicien municipal augmente les chances d'une victoire de l'ancienne ministre québécoise de l'Immigration, Yolande James, qui a affirmé avoir été approchée par le PLC pour se présenter sous la bannière libérale.

Ses rivales pour l'investiture sont la fiscaliste Marwah Rizqy, qui s'était présentée dans la circonscription de Hochelaga en 2015, ainsi qu'une enseignante âgée de 26 ans, Emmanuella Lambropoulos.

La jeune femme a dit avoir été «triste d'apprendre» que les autorités du parti avaient barré la route au dirigeant de l'arrondissement qu'elle habite, estimant qu'il a «bien fait comme maire» et qu'il est «très respecté dans la communauté».

Il est «clair», selon Mme Lambropoulos, que les gens de Saint-Laurent pensent qu'on a sacrifié Alan DeSousa pour pousser la candidature de Yolande James, qui a ses entrées au bureau du premier ministre.

«C'est ce que les gens disent. Mais personnellement, je n'en ai aucune idée, je n'ai parlé à personne en charge du processus, alors je ne peux faire de commentaire», a-t-elle signalé en entrevue téléphonique.

La principale intéressée n'était pas disponible pour réagir aux derniers développements dans la course, trop occupée sur le terrain, selon son équipe. Il a été impossible de s'entretenir avec la troisième candidate, Marwah Rizqy.

L'élection complémentaire se tiendra le 3 avril prochain. Elle a été provoquée par le départ de la vie politique de Stéphane Dion, qui avait été dépossédé de son portefeuille aux Affaires étrangères dans le cadre d'un remaniement ministériel en décembre.

La circonscription de Saint-Laurent est un bastion libéral que représentait l'ancien chef du PLC depuis 21 ans. Mais compte tenu de la façon dont il a été éjecté par son successeur, rien n'est gagné d'avance, prévient Rick Peterson, qui espère briguer l'investiture conservatrice.

«Je crois que beaucoup de libéraux là-bas sont mécontents de la façon dont Stéphane Dion a été mis dans le placard», a suggéré le Britanno-Colombien, qui mènerait deux courses en parallèle s'il obtient le feu vert du parti  - il est l'un des candidats à la chefferie conservatrice.

«Je ne serais pas en train de faire cette démarche si je ne pensais pas que Saint-Laurent, c'est gagnable. C'est absolument gagnable», a dit en entrevue l'homme d'affaires parfaitement bilingue, qui s'engage à déménager ses pénates dans le comté s'il l'emporte.

Alan DeSousa n'a pas voulu spéculer sur cette question. Il a toutefois précisé qu'il y avait actuellement «beaucoup de frustration dans la communauté».

«Les gens qui demeurent à Saint-Laurent disent: «M. Dion a été mis de côté par le premier ministre, et maintenant, on ne permet même pas à notre maire de se présenter comme candidat'», a-t-il relaté, parlant d'une «double insulte».

La date de l'assemblée d'investiture libérale n'avait toujours pas été fixée, selon les dernières informations transmises par le PLC, jeudi après-midi. Les électeurs choisiront un successeur à leur député de longue date dans exactement un mois.

Le Parti vert du Canada a confirmé jeudi que son chef adjoint, Daniel Green, tenterait de s'y faire élire. Au Bloc québécois, on annoncera une candidature mercredi prochain, a signalé Stevens Héroux, directeur général du parti. Le Nouveau Parti démocratique n'a pas encore de candidat.

Accusations de favoritisme en Ontario

Les autorités du Parti libéral sont accusées d'avoir pipé les dés dans une autre circonscription où les électeurs sont appelés aux urnes le 3 avril prochain, soit celle de Markham-Thornhill, en Ontario, laissée vacante par le départ de l'ex-ministre de l'Immigration John McCallum.

Une candidate qui voulait briguer l'investiture, Juanita Nathan, a annoncé jeudi qu'elle renonçait à l'idée, alléguant que le PLC a joué avec les procédures parce qu'il veut voir aux Communes Mary Ng, qui était directrice aux nominations au cabinet du premier ministre.

Invité à réagir à ces accusations de favoritisme lors d'un passage à Esquimalt, en Colombie-Britannique, jeudi, Justin Trudeau les a balayées du revers de la main, affirmant que certains tentent tout simplement «de spéculer et de créer des conflits».