Il s'est intéressé à la politique après que le gouvernement de Jean Chrétien eut imposé de lourdes compressions aux transferts aux provinces pour les programmes sociaux dans les années 90. Jack Layton l'a convaincu de se lancer en politique par son discours progressiste. Et maintenant, Justin Trudeau est en voie de le convaincre de briguer la direction du NPD après avoir fait certaines promesses électorales en 2015 et de les renier une fois au pouvoir.

À moins d'un revirement de taille, le député néo-démocrate Guy Caron devrait confirmer à la mi-février qu'il tentera de succéder à Thomas Mulcair à la tête du NPD en octobre, date à laquelle les militants du parti doivent choisir un nouveau chef.

À ce jour, aucun candidat n'a encore confirmé ses intentions, même si la date du premier débat de la course - le 12 mars à Ottawa - a été annoncée cette semaine. Mais tout indique que cinq candidats pourraient se faire la lutte : les députés Guy Caron, Peter Julian, Charlie Angus et Niki Ashton de même que Jagmeet Singh, député du NPD à Queen's Park, en Ontario.

En entrevue à La Presse, M. Caron affirme qu'il continue à jauger ses appuis au sein du parti. « Je suis en train de constater quelle serait mon équipe. Je n'ai pas l'intention, si je me lance, de faire comme d'autres et espérer qu'un mouvement d'appui va se créer autour de moi. Je veux m'assurer que j'aurai des appuis et une équipe compétente et que j'aurai également des possibilités pour du financement. » 

« Une campagne au leadership, c'est assez dispendieux. Je dirais que c'est très positif pour l'instant. »

- Guy Caron

Dans les rangs néo-démocrates, toutefois, il ne fait pas de doute que le député Caron, qui représente la circonscription de Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques à la Chambre des communes depuis 2011, sera sur les rangs.

« Il sera le candidat du Québec dans cette course », a soutenu une source digne de foi qui a requis l'anonymat.

S'il ne veut pas confirmer ses intentions avant le vote prévu sur son projet de loi C-274 qui faciliterait les transferts de petites entreprises, comme les fermes, entre les membres d'une famille - le vote en deuxième lecture est prévu le 8 février aux Communes -, M. Caron a déjà une petite idée du thème principal qu'il veut privilégier durant la course : le développement de l'économie sociale-démocrate.

« Un des grands problèmes auxquels on a fait face comme parti dans les 30 ou 40 dernières années, c'est qu'on a constamment laissé les libéraux et conservateurs nous définir sur l'économie, à savoir que nous sommes le parti en bon français du "tax and spend", que l'on sait comment dépenser l'argent des contribuables. Mais c'est beaucoup plus que cela », a affirmé M. Caron, qui est économiste.

« L'économie a toujours été vue comme l'apanage de la droite et du milieu de la finance, alors que ce n'est pas le cas. Tout le monde est affecté par l'économie. »

« La définition de l'économie, au bout du compte, c'est l'étude de la distribution de ressources limitées face à des besoins infinis. Ça touche donc tout le monde. C'est extrêmement important de pouvoir offrir des politiques économiques qui tiennent compte du bien commun de l'ensemble de la population », a-t-il ajouté.

LE P'TIT GARS DE RIMOUSKI

En entrevue, Guy Caron a indiqué que rien ne le prédestinait à se lancer en politique. Au départ intéressé par des études en médecine, il a bifurqué vers le journalisme avant de s'intéresser à l'économie.

« J'avais un intérêt pour la médecine. C'est pourquoi j'ai pris des cours de sciences pures au cégep. Mais j'ai un ami qui m'a amené travailler à la radio communautaire et j'ai eu la piqûre du journalisme. J'ai décidé de continuer mes études en communications à l'Université d'Ottawa, aussi pour apprendre l'anglais. Rimouski n'est pas nécessairement l'endroit où on peut le mieux apprendre l'anglais. Alors je suis devenu bilingue assez rapidement et j'ai travaillé pour le journal étudiant de l'université. Mais j'ai fait un détour par la politique étudiante, ce qui m'a amené à m'intéresser à l'économie de très près. J'étais président de la fédération étudiante à Ottawa, ensuite le président de la fédération canadienne dans les années où il y a eu la réforme des programmes sociaux du gouvernement Chrétien », a-t-il expliqué.

En 2002, des amis du mouvement étudiant l'ont invité au lancement de la campagne d'un candidat à la direction du NPD : Jack Layton. Il a été séduit au point de contribuer à la rédaction de ses discours et de ses communiqués en français pendant six mois.

Ensuite, il s'est engagé à jeter les bases du NPD dans l'est du Québec et il s'est présenté aux élections de 2004, 2006 et 2008. 

« Je ne viens pas d'une famille très, très politique. La politique ne m'intéressait pas particulièrement. [...] Je n'ai jamais eu l'ambition de devenir député. Même le soir de l'élection en 2011, je ne pensais pas que je serais député. Je n'avais même pas de pancarte. » 

« Je suis allé à Rimouski seulement pour faire les débats. Mais le soir des élections, j'avais gagné par 5000 voix. Le fait que je m'étais présenté trois fois auparavant [2004, 2006, 2008], les gens me connaissaient déjà. »

Père de deux jeunes enfants de 5 et 8 ans, M. Caron souhaite consolider l'héritage de Jack Layton s'il devient chef du parti. « L'élection de 2015 et le recul qu'on a subi ont fait en sorte que certaines personnes ont dit que l'on devrait peut-être retourner à ce temps béni où le NPD était la conscience du Parlement, où nous pourrions simplement identifier les problèmes et les dénoncer. Jack, ce qu'il nous a permis de faire, c'est de voir les limites d'une telle approche. Oui, nous devons avoir une conscience. Mais il y a la réalité politique. Si nous continuons simplement de dénoncer des situations, on ne sera jamais en mesure de les corriger. On va laisser le soin aux libéraux et aux conservateurs de continuer dans cette direction qu'ils ont empruntée depuis toujours. Jack Layton nous a démontré que c'est bien d'avoir l'ambition de prendre le pouvoir. »