Des députés libéraux juifs et musulmans ont partagé un souper de Noël à Ottawa pour rejeter l'intolérance.

La scène serait peu probable à Tel-Aviv, Londres, Paris ou Washington : des députés de confessions juive et musulmane qui se réunissent pour partager un souper de Noël afin de discuter des valeurs qui les unissent et de rejeter d'une seule voix ceux qui prêchent l'intolérance.

Avant la fin de la dernière session parlementaire, le député libéral de Mississauga-Centre, Omar Alghabra, a cru bon de rassembler ses collègues libéraux aux origines et aux parcours différents à une même table, le 7 décembre, le temps de casser la croûte au restaurant parlementaire - l'endroit par excellence pour échanger sur la politique au parlement.

Tandis que des incidents à caractère islamophobe ou antisémite ont secoué certaines villes canadiennes cet automne, notamment dans la foulée de l'élection présidentielle aux États-Unis, M. Alghabra a soutenu qu'une telle rencontre permet d'envoyer un puissant message à ceux qui voudraient semer la division au pays en fonction de la couleur de la peau des uns ou de la religion des autres.

« Quel autre pays voit ses politiciens juifs et musulmans se réunir pour célébrer Noël et déclarer leur solidarité contre la discrimination ? Le monde nous regarde. Nous devons donner le meilleur de nous-mêmes », a dit Omar Alghabra, dans une déclaration aux Communes une semaine après le repas.

« Je pense que ce n'est pas faux de dire que l'intolérance est à la hausse un peu partout à travers le monde. La division et la xénophobie sont des phénomènes plus fréquents. Au Canada, nous ne sommes pas à l'abri de tout cela. Nous devons non seulement envoyer un message au reste du monde, mais aussi nous rappeler qu'il faut mener par l'exemple pour nous et pour les autres », a affirmé plus tard le député libéral dans une entrevue avec La Presse.

DES ÉCHANGES TOUCHANTS

En tout, M. Alghabra, qui est le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion et s'occupe notamment des affaires consulaires, avait invité 16 de ses collègues. Un seul ne pouvait être présent. Le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, qui est de confession juive, et la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, qui est de confession musulmane, ont participé à ce repas. N'eût été son horaire chargé, le premier ministre Justin Trudeau aurait aussi été de la partie.

Les députés, qui se réunissaient ainsi pour la première fois, ont échangé des cadeaux... et des récits touchants mettant en relief des incidents discriminatoires, voire racistes, dont certains d'entre eux ont été victimes dans le passé.

39 %

Les crimes ciblant un groupe religieux ont bondi de 39 % au Québec en 2014 (dernières données disponibles), passant de 185 incidents en 2013 à 257 cas l'année suivante, rapportait en avril le ministère de la Sécurité publique. À l'échelle du pays, Statistique Canada a aussi noté une hausse des crimes haineux en 2014 (1295 cas rapportés contre 1167 en 2013).

« Je ne veux pas laisser l'impression que cela est répandu ou systémique. Mais un député nous a raconté comment il avait été battu quand il était adolescent à cause de ses origines. D'autres députés ont raconté qu'ils avaient encaissé des commentaires racistes en faisant du porte-à-porte durant la dernière campagne électorale. Ces incidents isolés arrivent. Ils ne représentent pas la majorité des Canadiens. Mais cela arrive, et nous devons être sensibles à cette réalité et nous devons dénoncer cela quand cela se produit. Il faut demeurer vigilant pour ne pas tomber dans le piège de l'intolérance », a dit M. Alghabra.

« NOUS NOUS SOMMES ENGAGÉS À TRAVAILLER ENSEMBLE »

Par ce petit geste, les députés libéraux essaient de construire un monde meilleur, un petit pas à la fois, a indiqué M. Alghabra, ajoutant qu'il souhaite aussi inviter les députés des autres formations politiques à cette soirée qui pourrait bien devenir une nouvelle tradition parlementaire.

« Nous nous sommes engagés durant le repas à travailler ensemble. C'était la première fois que ce genre d'événement était organisé sur la colline. [...] En politique et dans le monde dans lequel nous vivons, c'est malheureux, mais les gens sont souvent identifiés en fonction de leur religion ou de leur culture. Ces qualificatifs comportent souvent des préjugés. Cela contribue à créer une perception de différend », a expliqué le député.

« La géopolitique fait en sorte que le plus grand différend apparent est entre les musulmans et les juifs. Alors, je voulais m'assurer que cette perception qui est projetée sur nous ne nous affecte pas. Nous travaillons très bien ensemble, nous sommes des collègues. Cela aussi nous permet de donner l'exemple, à savoir que nous pouvons tous célébrer Noël à notre façon, que nous pouvons tous nous rassembler durant le temps des Fêtes et profiter de la présence des autres. Nous avons eu une discussion fascinante et une soirée émouvante », a-t-il encore dit.

Qu'ont mangé les députés durant la soirée ? « Nous avons tous opté pour le buffet ce soir-là, a lancé en riant M. Alghabra. Ce n'était pas un souper à caractère religieux. Cela rassemblait des personnes ayant des racines juives ou musulmanes. »

OTTAWA OFFRE UNE AIDE AUX LIEUX DE CULTE VISÉS PAR DES CRIMES HAINEUX

À la mi-novembre, la ville d'Ottawa a été secouée par une série d'incidents à caractère haineux qui visaient des lieux de culte. Des croix gammées ont été dessinées sur la porte principale d'une église située au centre-ville de la capitale, laquelle est fréquentée par la communauté afro-canadienne. Les malfaiteurs ont aussi inscrit le mot « niggers » sur la même porte.

Durant la même nuit, des croix gammées ont été peintes à l'entrée d'une mosquée située dans l'ouest d'Ottawa. Le bâtiment sert aussi de lieu de rencontre pour les membres de l'Association musulmane d'Ottawa. 

Durant la même période, des graffitis antisémites ont été peints sur la résidence d'un rabbin à Ottawa et des affiches racistes ont été découvertes à Toronto, menant le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, à rappeler aux communautés qu'elles peuvent obtenir une aide du gouvernement fédéral pour renforcer les mesures de sécurité autour de leur lieu de culte comme l'éclairage, l'installation de caméras de surveillance ou de clôtures. Les projets approuvés peuvent recevoir jusqu'à 50 % du coût total, et ce, jusqu'à concurrence de 100 000 $ par projet.

Photo fournie par Omar Alghabra

En organisant ce repas, le député libéral Omar Alghabra (à droite de la deuxième rangée) voulait « envoyer un puissant message à ceux qui voudraient semer la division au pays en fonction de la couleur de la peau des uns ou de la religion des autres ».