Le Bureau de la concurrence du Canada estime que ses efforts commencent déjà à porter fruit pour débusquer des tentatives de collusion dans l'obtention de contrats gouvernementaux, alors qu'Ottawa s'apprête à ouvrir les vannes de son programme d'infrastructures.

Le sous-commissaire adjoint du Bureau de la concurrence, Pierre-Yves Guay, soutient que des initiatives pédagogiques déployées depuis avril auprès des «donneurs d'ouvrage» ont mené à la découverte d'activités illégales et au déclenchement d'enquêtes. M. Guay n'a pu confirmer si ces affaires étaient effectivement liées à des projets du nouveau programme d'infrastructures du gouvernement libéral, mais il assure que des «développements» pourraient être annoncés «au cours des prochains mois».

Ces projets, financés en partie par Ottawa, sont lancés et supervisés par les municipalités et les gouvernements provinciaux, qui sont propriétaires de la majorité des infrastructures au pays et qui octroient les contrats de construction ou de réfection.

Or, le Bureau de la concurrence du Canada a prévenu le gouvernement libéral il y a plusieurs mois que son nouveau programme - d'abord doté de 60 milliards $ sur 10 ans, puis de plus de 90 milliards $ sur 12 ans - constitue une manne qui pourrait bien exciter la convoitise de certains entrepreneurs véreux.

Traditionnellement, il y a collusion lorsque des entrepreneurs intéressés par un même contrat s'entendent secrètement entre eux pour gonfler artificiellement leurs prix ou réduire l'approvisionnement en biens et services, afin de provoquer une hausse des coûts du projet. Cette augmentation de coûts sera ensuite refilée aux contribuables.

Dans une note interne adressée en mai dernier au sous-ministre d'Infrastructure Canada, des hauts fonctionnaires prévenaient que le trucage de soumissions peut faire augmenter le coût d'un projet d'infrastructure publique de 30 pour cent, mais aussi réduire la qualité du travail. La Commission Charbonneau, au Québec, a entendu plusieurs témoins évoquer ce chiffre de 30 pour cent d'augmentation des coûts.

Selon M. Guay, tout se résume à une affaire d'offre et de demande: les gouvernements mettent soudainement sur la table des milliards de dollars, mais le nombre d'entrepreneurs au pays n'est pas illimité. Alors, la tentation est grande, pour certains entrepreneurs sans scrupules, de se partager tout simplement les contrats entre eux, en court-circuitant le mécanisme d'appel d'offres.

«C'est pourquoi nous sommes actuellement à l'affût et nous tentons d'informer les responsables des marchés publics et les décideurs afin de prévenir et de détecter toute collusion», explique le sous-commissaire adjoint du Bureau de la concurrence.

Dans une note interne que La Presse canadienne a obtenue, le commissaire du Bureau, John Pecman, avait recommandé la création d'une escouade mixte (interministérielle et intergouvernementale) pour élaborer et mettre en oeuvre une stratégie afin de dissuader ou de détecter tout acte présumé de collusion lié au programme fédéral d'infrastructures. Dans cette note, rédigée au printemps dernier, M. Pecman suggérait notamment de former adéquatement les intervenants des marchés publics et d'utiliser des algorithmes afin de débusquer les fraudes présumées.

Le Bureau de la concurrence offre habituellement de 20 à 30 séances de formation par année pour les responsables des marchés publics, les regroupements d'entrepreneurs et les policiers. Cette année, le Bureau tentera d'en offrir de 35 à 40, a indiqué M. Guay. «Si l'on se fie au nombre de plaintes déposées à la suite de ces séances de formation, les intervenants semblent à l'affût de tout signe de collusion qui leur a été enseigné.»