Des programmes destinés aux autochtones qui sont mal gérés, rendant la situation des Premières Nations « plus qu'inacceptable ». Une surveillance insuffisante de la sécurité des automobiles. Du matériel militaire inutilisé en raison d'un manque de fonds et de personnel pour l'entretien. Des contribuables qui attendent trop longtemps une décision du fisc fédéral. Des cibles de recrutement militaire basées sur la taille des ressources humaines plutôt que les besoins réels. 

Le vérificateur général du Canada Michael Ferguson n'a pas déterré de grand scandale dans son rapport de l'automne 2016 remis ce matin au Parlement. Nombreux exemples de lourdeur et d'incompétence administratives à l'appui, il plaide plutôt sur de meilleurs services gouvernementaux axés sur les citoyens et une fonction publique plus productive, dénonçant encore une fois la « lenteur de la machine gouvernementale » et les « ministères et organismes qui ont de la difficulté à sortir de leurs silos ».

« [...] Je crois que le gouvernement pourrait tirer meilleur parti de nos audits s'il les utilisait différemment, si les ministères et les organismes s'efforçaient de devenir plus productifs et de mettre davantage l'accent sur ce qu'ils livrent. Après tout, d'une façon ou d'une autre, tout ce que fait le gouvernement vise à servir la population canadienne. La machine gouvernementale devrait donc "offrir un bon service", dans l'intérêt des Canadiennes et Canadiens », a indiqué le vérificateur général Michael Ferguson, par voie de communiqué.

Le vérificateur général du Canada est particulièrement critique des services offerts aux Premières Nations, notamment le programme de revendications particulières qui « n'est pas géré adéquatement ». Selon lui, la situation actuelle des Premières Nations est « plus qu'inacceptable ». « On parle maintenant de plus d'une décennie d'audits qui montrent des programmes qui n'ont pas efficacement servi les peuples autochtones du Canada, indique Michael Ferguson. Pour livrer des programmes efficaces, il faut faire preuve de leadership. [...] Le gros de la responsabilité incombe au gouvernement fédéral, mais tous les niveaux ont une certaine responsabilité. Tant qu'une perspective axée sur la résolution des problèmes n'est pas adoptée pour aborder ces enjeux [...], le pays continuera de dilapider le potentiel et les vies d'une forte proportion de sa population autochtone. »

En matière de services aux citoyens, le vérificateur général « encourage » le gouvernement fédéral « à prendre du recul et à réfléchir à ce qu'ils pensent faire pour s'assurer d'offrir des services qui fonctionnent pour les Canadiens ». « Bon nombre des questions que nous soulevons aujourd'hui ne sont pas nouvelles, indique Michael Ferguson. Nous voyons des programmes gouvernementaux qui ne sont pas conçus pour aider les personnes qui y ont recours, des programmes où l'accent est sur ce que font les fonctionnaires et non les services livrés aux citoyens, des programmes où les délais sont plus trop longs, où les données sont incomplètes, et où les rapports publics ne donnent pas vraiment une bonne idée de ce que les ministères ont accompli. »

Le vérificateur général a examiné de façon plus précise sept programmes gouvernementaux. 

1) Le plan d'action à la frontière

Le vérificateur général du Canada estime que le plan d'action sur la sécurité du périmètre et la compétitivité économique Par-delà la frontière - qui est censé accélérer la circulation légitime des personnes, biens et services à la frontière - a connu des « résultats mitigés », notamment parce que les indicateurs de rendement ne sont pas fiables ni clairs. Le guichet unique pour importateurs a connu un « taux d'adoption plus faible que prévu », si bien que le vérificateur général suggère à l'Agence des services frontaliers de « tenir compte, en permanence, des divers points de vue des parties prenantes » dans l'élaboration d'un programme gouvernemental. Le vérificateur général se demande aussi si le calcul du temps d'attente à la frontière devrait « être requis aux autres postes frontaliers ». 

2) L'Agence du revenu du Canada 

En 2014, les contribuables ont déposé 66 784 oppositions sur 29,6 millions de déclarations de revenus, pour un montant contesté de 4,8 milliards. Au 31 mars 2016, 171 744 oppositions en attente d'un règlement, pour un montant total de 18 milliards. Le vérificateur général estime que « l'Agence du revenu du Canada n'avait pas traité les oppositions en matière d'impôt sur le revenu en temps opportun », critiquant notamment l'absence de cible d'attente pour les contribuables, le manque d'efficacité des processus, les méthodes de mesures qui n'étaient « ni cohérentes ni complètes ». Le vérificateur général recommande aussi que les décisions des fonctionnaires en matière d'oppositions et d'appels soient communiquées au sein de l'organisme « afin que les personnes chargées d'établir les cotisations puissent de servir de cette information pour améliorer ce processus à l'avenir ».

3) Préparation des détenus autochtones à la mise en liberté

Le vérificateur général estime que les programmes correctifs ne sont pas « offerts en temps opportun » aux détenus autochtones, incluant les programmes conçus spécifiquement pour eux. « Les trois quarts des détenus autochtones libérés d'office passaient directement d'un établissement à sécurité maximale (14 %) ou moyenne (65 %) à la collectivité, ce qui limitait leur capacité à profiter d'une mise en liberté graduelle qui les aide à réussir leur réinsertion dans la société. » En 2015-16, 31 % des détenus autochtones ont bénéficié d'une libération conditionnelle, contre 48 % des détenus non autochtones - ce qui fait en sorte que le vérificateur général recommande une « meilleure préparation des délinquants autochtones à faible risque à une audience de libération conditionnelle. » Le vérificateur général dénonce aussi le fait que « les détenus autochtones se voyaient attribuer une cote de sécurité plus élevée que celle des détenus non autochtones et étaient plus susceptibles d'être aiguillés vers des programmes correctionnels ». Selon lui, les « antécédents sociaux des autochtones [ne sont] pas suffisamment pris en compte » dans l'évaluation de leur dossier. 

4) Surveillance de la sécurité des véhicules automobiles 

Le vérificateur général n'est pas tendre envers Transports Canada sur sa gestion de la surveillance de la sécurité des automobiles. Il estime que le cadre réglementaire ne répond pas « aux risques émergents et aux nouveaux enjeux technologiques ». « Sa stratégie n'a donc pas permis de garantir que les véhicules automobiles immatriculés au Canada soient équités des meilleurs dispositifs de sécurité disponibles et des technologies de pointe », écrit le vérificateur général, qui s'inquiète de la capacité de Transports Canada à « cerner rapidement les défauts liés à la sécurité et d'influer les rapports effectués par les constructeurs a donc été limitée. » Transports Canada « n'a pas tenu à jour les règlements sur la sécurité automobile de façon proactive et en temps opportun », a des « données incomplètes sur les collisions et les blessures », et une « connaissance limitée des enquêtes menées par les constructeurs sur des problèmes de sécurité critiques ». 

5) Recrutement des Forces armées canadiennes 

Le vérificateur général conclut que les cibles de recrutement des Forces armées canadiennes sont fondées sur la capacité de recrutement plutôt que sur les besoins militaires. Selon lui, les cibles de recrutement sont « en deçà des besoins » des Forces armées canadiennes, et les « longues listes d'attente pour suivre une formation peuvent [...] frustrer les candidats ou les inciter à partir ». Le vérificateur général souligne aussi que la représentation des femmes n'a pas augmenté.

6) Revendications particulières des Premières Nations 

Le Vérificateur général conclut qu'Affaires autochtones et du Nord Canada « n'avait pas adéquatement géré le règlement des revendications particulières des Premières Nations », notamment en créant « des obstacles à l'accès » au programme pour les Premières Nations.

7) Soutien aux opérations et entretien de l'équipement militaire

Le Vérificateur général conclut que « la Défense nationale n'avait pas géré adéquatement les ressources utilisées pour assurer le soutien en matière d'équipement militaire dans un souci de rentabilité, de manière à pouvoir répondre aux exigences opérationnelles et d'instruction. » Le vérificateur général précise aussi que « l'équipement examiné [six équipements militaires différents] n'a pas été utilisé autant qu'il avait été prévu en raison d'un manque de personnel et de fonds. »