La victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle pourrait avoir le même effet perturbateur sur les relations canado-américaines que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, du moins à court terme, estime l'ancien diplomate Colin Robertson.

La meilleure arme pour le gouvernement Trudeau pour affronter ce nouveau défi sera de faire preuve de patience et de retenue, a indiqué M. Robertson, qui a travaillé dans les consulats du Canada à New York et à Los Angeles et qui est aujourd'hui vice-président de l'Institut canadien des affaires mondiales.

Comparaissant devant le comité des affaires étrangères et du commerce international du Sénat, jeudi, M. Robertson a soutenu que les promesses de Donald Trump de déchirer l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), de retirer les États-Unis de l'accord de Paris sur les changements climatiques, de jeter aux poubelles le Partenariat transpacifique conclu en octobre 2015 par 12 pays et ses critiques à l'endroit des pays membres de l'OTAN qui ne paient pas leur juste part ont de quoi inquiéter les autorités canadiennes.

Mais la réponse du gouvernement Trudeau doit être mesurée et bien réfléchie. Surtout, il doit éviter de sombrer dans l'antiaméricanisme, comme cela a souvent été le cas dans le passé.

« Les États-Unis sont un partenaire primordial à la fois pour le Canada et le Mexique. L'élection de Donald Trump s'avère, du moins à court terme, aussi perturbatrice pour les relations entre le Canada et les États-Unis et les relations entre le Canada et le Mexique que les attentats du 11 septembre. » 

« Même si nous avons des intérêts et des objectifs différents, le Canada et le Mexique auraient tout intérêt à collaborer et à travailler ensemble pour gérer nos relations avec notre voisin commun. »

- Colin Robertson, ancien diplomate

M. Robertson, qui est un expert des relations internationales, a été invité par les sénateurs du comité des affaires étrangères afin d'expliquer les retombées possibles de l'élection de Donald Trump sur le Canada.

Après les attentats du 11-Septembre, le Canada s'est empressé de rassurer son voisin du Sud au sujet de la sécurité de la frontière. De nouveaux accords ont aussi été conclus afin d'assurer une meilleure circulation des biens et des personnes entre les deux pays.

INTENSIFIER LE DIALOGUE

Dans la foulée de l'élection américaine, le Canada doit intensifier le dialogue avec la nouvelle administration, selon l'ancien diplomate. Il devrait aussi s'assurer que les rencontres des ministres responsables du commerce, de l'énergie et la défense du Canada, des États-Unis et du Mexique se tiennent à intervalles réguliers pour illustrer l'importance des relations entre les trois Amigos.

« L'élection de Donald Trump soulève plusieurs défis en matière de politiques publiques alors que l'on va redéfinir les paramètres des relations entre le Canada, les États-Unis et les partenaires de l'Amérique du Nord », a dit M. Robertson.

LA CROISSANCE MEXICAINE

Durant la campagne présidentielle, Donald Trump a promis de construire un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique et de déporter quelque 11 millions d'immigrants illégaux qui se trouvent sur le territoire américain. Bon nombre de ces immigrants illégaux sont des Mexicains.

Selon M. Robertson, la future administration Trump va rapidement s'apercevoir que déchirer l'ALENA ou adopter des mesures protectionnistes ne sera pas dans l'intérêt des États-Unis. À titre d'exemple, il a indiqué que 40 % des produits du Mexique exportés aux États-Unis ont été en partie fabriqués dans une usine aux États-Unis avant d'être parachevés dans une usine mexicaine. Cela illustre, selon lui, la forte intégration des économies des trois pays qui font partie de l'ALENA depuis 1994.

Qui plus est, la population hispanophone est en forte croissance aux États-Unis. Elle représente 18 % de la population totale, alors que ce n'était que 5 % en 1970. Des leaders américains influents tels que Marco Rubio ou Ted Cruz ont aussi des racines hispaniques.

Enfin, la classe moyenne au Mexique est en croissance. On dénombre 44 millions de Mexicains de la classe moyenne. Et d'ici 2050, on estime que l'économie du Mexique sera la cinquième en importante de la planète.

Résultat : le Canada ne doit en aucun cas négliger ses relations avec le Mexique alors que l'on s'apprête à entrer dans une période de turbulence sur le continent nord-américain.