Même si Donald Trump a tenu des propos à saveur protectionniste durant la campagne présidentielle, le Canada ne fera pas les frais de sa promesse de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), estime l'ancien magnat de la presse Conrad Black, qui connaît bien le prochain locataire de la Maison-Blanche.

M. Black, un des rares au Canada à avoir prédit la victoire du milliardaire il y a quelques mois, croit même que le gouvernement Trudeau sera en mesure de bien s'entendre avec une administration républicaine dirigée par Donald Trump, quoi qu'en pensent certains experts.

Dans un courriel envoyé à La Presse, M. Black souligne toutefois que les États-Unis prendront une tout autre direction en matière de lutte contre les changements climatiques.

«Je ne vois aucune difficulté entre les gouvernements de M. Trump et de M. Trudeau. Mais les États-Unis ne feront rien pour légitimer le concept du réchauffement mondial», dit M. Black.

«Le régime Trump retiendra la politique bipartisane contre la pollution des eaux et de l'air, mais n'acceptera pas une obligation de diminuer l'utilisation du charbon. Sa politique sera quand même plus flexible que celle de la Chine», a analysé M. Black dans un courriel envoyé dans la langue de Molière.

«Sur les autres questions, je ne prévois pas de problèmes sérieux. M. Trump n'a aucune difficulté avec le libre-échange entre le Canada et les États-Unis», a ajouté M. Black, qui a rencontré M. Trump à quelques reprises dans le passé.

Durant la campagne présidentielle, Donald Trump a indiqué avoir la ferme intention de renégocier l'ALENA à l'avantage des États-Unis à défaut de quoi il était prêt à déchirer l'accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui est entré en vigueur en janvier 1994.

Trudeau bouge

En conférence de presse, 48 heures après la victoire de M. Trump, le premier ministre Justin Trudeau a indiqué que son gouvernement était prêt à rouvrir l'accord si cela permettrait de l'améliorer.

Aux Communes, lundi, la leader intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, a reproché au premier ministre d'avoir joué trop rapidement ses cartes en se disant prêt à rouvrir l'ALENA.

«L'ALENA représente notre accord commercial le plus important. Cela équivaut à des milliers de jobs et des milliards d'investissements pour le Canada. Nous savons que le président désigné a des inquiétudes au sujet de l'ALENA, mais ces inquiétudes concernent le Mexique et non pas le Canada. Cependant, avant même qu'on le lui demande, le premier ministre a remis l'ALENA sur la table des négociations et mis cet accord en péril. Le Canada se trouve dans une position affaiblie, et cela crée encore plus d'incertitude», a affirmé Mme Ambrose durant la période des questions.

En l'absence de M. Trudeau, qui se trouvait à Toronto lundi afin de rencontrer des investisseurs institutionnels, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a voulu se faire rassurant. «Nous avons hâte de travailler très étroitement avec le président désigné, son administration et le Congrès des États-Unis au cours des prochaines années sur des dossiers tels que les investissements, la paix internationale, la sécurité et le commerce», a dit M. Dion.

«Nos relations commerciales avec les États-Unis sont très importantes et nous aurons les intérêts des Canadiens en tête en tout temps».

Depuis son étonnante victoire à l'élection présidentielle, Donald Trump a semblé adopter un autre ton quant à sa promesse de construire un mur entre les États-Unis et le Mexique, à son intention d'abroger Obamacare et à sa promesse de nommer un procureur spécial pour réexaminer les fameux courriels de son adversaire démocrate Hillary Clinton.

Dans une entrevue à l'émission 60 Minutes de CBS, le président désigné a réaffirmé qu'il bâtirait bien «un mur» à la frontière avec le Mexique pour limiter l'immigration clandestine, mais qu'il pourrait être constitué aussi bien de béton que de «clôtures».

Du même souffle, il a aussi montré une certaine flexibilité sur «Obamacare», la loi emblématique du mandat de son prédécesseur qui permet à tous les Américains d'avoir une assurance maladie, mais dont le fonctionnement est très critiqué. Elle pourrait être modifiée, et non simplement abrogée.