Les conservateurs se réunissent en caucus sur fond de course à la direction et de divergences autour du test des «valeurs anticanadiennes» imaginé par la candidate Kellie Leitch.

Les troupes conservatrices convergeront mardi à Halifax, en Nouvelle-Écosse, pour deux jours de retraite au cours desquels seront discutés les dossiers chauds en prévision de la rentrée parlementaire du 19 septembre.

Mais c'est l'enjeu de la course à la succession de Stephen Harper qui pourrait bien monopoliser les discussions en coulisses, surtout depuis que Mme Leitch a jeté un pavé dans la mare avec sa suggestion d'imposer aux candidats à l'immigration un test de «valeurs anticanadiennes».

Ses adversaires déclarés - Maxime Bernier, Michael Chong, Deepak Obhrai et Tony Clement - se sont distanciés de cette proposition, tout comme l'ont fait d'anciens stratèges conservateurs et des députés comme Michelle Rempel ainsi que la candidate pressentie Lisa Raitt.

La chef intérimaire du Parti conservateur du Canada (PCC), Rona Ambrose, s'en est mêlée, exprimant son désaccord en entrevue au réseau CTV, la semaine dernière. La candidate Leitch n'a pas apprécié cette ingérence de la part de celle qui tient temporairement les rênes de la formation.

La députée ontarienne n'a d'ailleurs pas écarté la possibilité de se plaindre auprès des autorités du parti, affirmant au cours d'un entretien diffusé dimanche dernier à CTV que son équipe de campagne avait eu des échanges avec le bureau de Mme Ambrose.

Le chef adjoint de la formation, Denis Lebel, n'a pas voulu se prononcer sur le fameux test des valeurs qui a fait couler tant d'encre ces derniers jours - et selon lui, lorsque la leader de l'opposition officielle l'a fait, c'était au nom du PCC.

«Je ne commenterai pas ça. (...) Mme Ambrose a déjà exprimé notre position du parti là-dessus», a-t-il signalé lundi en entrevue téléphonique depuis Montréal, alors qu'il était en transit entre sa circonscription de Lac-Saint-Jean et la capitale néo-écossaise.

Il ne s'attend pas du tout à retrouver à Halifax un caucus déchiré. Les derniers jours ont certes «amené certains candidats à la chefferie à échanger de façon forte sur des enjeux, mais autrement, notre caucus est très, très uni», a assuré M. Lebel.

Préserver l'harmonie au sein des troupes pour les prochains mois, jusqu'à l'élection d'un nouveau capitaine, le 27 mai prochain, sera cependant «un exercice intéressant, qui va demander beaucoup d'effort», a convenu le chef adjoint.

La course à la direction semble donc bel et bien démarrée, et elle pourrait prendre un virage déterminant lorsqu'un ancien poids lourd du gouvernement Harper, Peter MacKay, lèvera enfin le voile sur ses intentions.

L'ex-ministre, qui avait quitté la vie politique en mai 2015 afin de consacrer davantage de temps à sa jeune famille, a reconnu dans une entrevue accordée il y a un peu plus d'une semaine qu'il devrait trancher bientôt.

«Évidemment, une décision devra être prise sous peu, parce que je ne veux pas garder les gens dans l'ignorance ou influencer leur décision», a soutenu celui qui est donné favori dans la plupart des sondages menés au cours des derniers mois.

On surveille aussi l'entrée en scène possible d'une autre conservatrice originaire de la région - Lisa Raitt représente la circonscription ontarienne de Milton, mais elle est native de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.

L'ancienne ministre des Transports a pris sa décision, mais elle n'est pas prête à l'annoncer.

«Je prévois aller au caucus sans avoir dit quoi que ce soit à ce sujet», a-t-elle signalé vendredi dernier en point de presse au parlement, disant cependant comprendre qu'à deux mois du premier débat entre candidats, certains qui pourraient être tentés par l'aventure ont hâte qu'elle affiche ses couleurs.

Les deux possibles représentants de l'Atlantique, à l'instar de plusieurs candidats déclarés ou pressentis - Kellie Leitch, Deepak Obhrai, Brad Trost, Erin O'Toole ou encore l'homme d'affaires Kevin O'Leary - ne parlent pas couramment français.

Le chef adjoint Denis Lebel maintient que le bilinguisme du prochain chef est «non négociable». Il refuse toutefois de se prononcer sur le niveau de maîtrise des candidats qui sont en lice ou qui s'apprêtent à sauter dans la mêlée.

«Moi, je ne suis pas le commissaire aux langues officielles pour juger si quelqu'un utilise ou pas de façon adéquate les deux langues. Ce sera aux militants de choisir», s'est-il contenté d'offrir.

Le Parti conservateur prévoit organiser un total de cinq joutes oratoires - dont une exclusivement en français, qui devrait avoir lieu au Québec en janvier ou en février.

Désert conservateur

Les conservateurs ne comptent aucun député de l'Atlantique au sein de leur députation.

Le 19 octobre dernier, le parti a été complètement rayé de la carte, le Parti libéral du Canada (PLC) ayant raflé les 32 sièges de la région.

S'ils se réunissent en Nouvelle-Écosse, c'est pour tenter de rétablir les ponts avec les électeurs de ce coin de pays, a indiqué Denis Lebel.

«C'est facile à comprendre qu'on a besoin de redorer notre blason et de travailler fort en Atlantique», a-t-il laissé tomber.

Le chef adjoint s'attend à entendre ici des doléances concernant le nouveau processus de nomination des juges à la Cour suprême du Canada.

Des voix se sont élevées après que les libéraux eurent refusé de s'engager à respecter le principe de représentativité régionale - la convention voudrait que le juge néo-écossais Thomas Cromwell, qui a pris sa retraite le 1er septembre dernier, soit remplacé par un magistrat de l'Atlantique.