Un référendum sur la réforme du mode de scrutin coûterait 300 millions $, selon les estimations du directeur général des élections (DGE), Marc Mayrand.

Et surtout, il devrait être tenu d'ici moins d'un an, afin qu'Élections Canada ait le temps qu'il faut pour préparer les prochaines élections générales sous le nouveau système choisi.

M. Mayrand comparaissait jeudi devant le comité parlementaire chargé de conseiller le gouvernement sur la réforme électorale. Le DGE s'est fait très insistant, en affirmant qu'il ne fallait pas prendre à la légère l'ampleur de la tâche liée à l'adoption d'un mode différent de celui qui prévaut actuellement.

Les ajustements - au système informatique d'Élections Canada, notamment - prendront deux ans, au bas mot. L'ajout d'un référendum compliquerait donc un peu plus la donne, puisqu'une telle consultation prendrait elle-même six mois à préparer.

«D'ici mai 2017, on devrait avoir une législation qui établit le nouveau régime. Moi, je tiens pour acquis que s'il doit y avoir un référendum (...), il faut qu'il ait lieu au printemps (2017)», a-t-il signalé.

Les libéraux ont promis en campagne électorale que les élections de 2015 seraient les dernières à se tenir selon le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. Les conservateurs, de leur côté, martèlent qu'un tel changement majeur ne doit pas se faire sans d'abord demander l'avis de la population par référendum.

Interrogé à sa sortie du comité, le député conservateur Scott Reid a qualifié le coût de 300 millions $ de «très raisonnable».

«Si nous nous inquiétons du coût de la démocratie, alors nous devrions suspendre toutes les prochaines élections, n'est-ce pas?, a-t-il ironisé. Clairement, notre démocratie mérite ce montant.»

Il y aurait moyen de diminuer considérablement la facture si le référendum avait lieu en même temps que des élections. Dans ce cas, le coût du référendum serait «marginalement plus cher» que l'élection seule, a expliqué M. Mayrand.

Or, la loi actuelle ne permet pas d'avoir un référendum en même temps qu'un scrutin, pas plus qu'elle n'autorise un référendum par la poste, une autre mesure qui permettrait de réduire les coûts. «Une loi, ça se change», a fait valoir le député conservateur Gérard Deltell.

M. Mayrand a évité de répondre à la question de la pertinence de tenir un référendum, puisqu'il est toujours en poste jusqu'à la fin de cette année. Son prédécesseur, Jean-Pierre Kingsley, s'est avancé un peu plus.

Plutôt qu'un référendum, l'homme qui a tenu celui de 1992 sur l'Accord de Charlottetown préférerait que les parlementaires arrivent à un consensus, ce qui donnerait en quelque sorte la légitimité nécessaire pour aller de l'avant. Les élus devraient aussi «jauger» l'avis de leurs commettants.

«Si ce n'est pas ce qui se matérialise, si c'est seulement un parti qui est d'accord avec une chose, je dis qu'on devrait considérer d'autres mécanismes. Mais à ce moment-ci, je ne le considère pas comme nécessaire», a-t-il tranché.

Plusieurs soupçonnent les conservateurs d'être favorables à un référendum parce qu'ils souhaiteraient le statu quo. Les trois fois où une province canadienne a soumis une réforme électorale à la population par référendum se sont soldées par le maintien du système en place.

Sans fermer complètement la porte, la ministre des Institutions démocratiques Maryam Monsef a répété en comité, mercredi, qu'elle n'était pas convaincue qu'un référendum soit la meilleure façon de tâter le pouls de la population. Néo-démocrates et verts s'opposent aussi à cette façon de faire.

Sensibilisation du public

Marc Mayrand n'a pas voulu se prononcer sur le mode de scrutin qu'il préférerait, mais il soutenu que peu importe le système choisi, il faudrait mettre en place bien à l'avance une imposante campagne d'éducation publique. «Je suggérerais au moins un an avant les élections, pour qu'il n'y ait pas de surprise quand les électeurs se rendront aux urnes», a-t-il proposé.

Pour lui permettre d'investir dans cette campagne de sensibilisation, M. Mayrand a signalé qu'un changement à son mandat serait requis par les parlementaires. En 2014, le gouvernement conservateur avait limité, dans une loi controversée, le mandat éducatif du DGE aux jeunes de moins de 18 ans.

M. Mayrand s'est également prononcé sur le vote par Internet, un autre aspect sur lequel se penche le comité. Comme il y aura beaucoup de pain sur la planche avec la réforme du mode de scrutin, le DGE a confié «douter grandement» que ce soit possible d'aller de l'avant avec le vote en ligne pour le scrutin de 2019.

Si c'était la voie privilégiée, il faudrait s'assurer que le vote par Internet ne mette pas en péril la confiance qu'ont les électeurs envers Élections Canada, a-t-il dit.