Le Bloc québécois entend participer aux consultations sur le nouveau mode de scrutin fédéral « avec l'esprit ouvert », mais son représentant au comité parlementaire mis sur pied par le gouvernement Trudeau, le député bloquiste Luc Thériault, demeure « sceptique » quant aux résultats attendus.

Le hasard veut d'ailleurs que M. Thériault ait déjà joué dans un tel film, mais à Québec. Alors qu'il était député du Parti québécois à l'Assemblée nationale entre 2003 et 2007, M. Thériault était le porte-parole de son parti en matière de réforme des institutions démocratiques.

À l'époque, le gouvernement libéral de Jean Charest avait promis d'instaurer un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte à compensation régionale. Mais cette réforme proposée par les libéraux provinciaux n'a jamais vu le jour. Résultat : le Québec utilise toujours le même système électoral, soit un mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour.

Aux yeux de M. Thériault, le même scénario se profile à l'horizon à Ottawa. Il trouve d'ailleurs « que ça sent l'improvisation» au sein du gouvernement Trudeau sur cette question.

Un comité parlementaire composé de 12 députés doit entreprendre au cours des prochaines semaines des consultations sur les options qui pourraient être soumises au Parlement pour modifier le mode de scrutin plus tard cet automne. En campagne électorale, les libéraux de Justin Trudeau ont certifié que l'élection de 2015 serait la dernière organisée en vertu du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour.

Récemment, le ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, a mis de l'eau dans son vin renonçant à l'idée que les libéraux détiennent la majorité au sein du comité parlementaire. Elle a aussi accepté de donner au Bloc québécois et au Parti vert un droit de vote au sein du comité - une option qui avait été rejetée au début.

Mme Monsef a aussi exhorté les 338 députés de la Chambre des communes à organiser des consultations dans leur circonscription respective durant l'été.

Essentiellement, trois options sont sur la table pour réformer le mode de scrutin: un vote préférentiel (les électeurs doivent voter en indiquant les candidats en ordre de préférence), un vote proportionnel (un parti politique obtiendrait un nombre de sièges aux Communes correspondant aux suffrages obtenus le jour du scrutin) et le statu quo (vote uninominal à un tour).

« Présentement, 338 députés vont faire des consultations. Bien oui, les 183 libéraux vont revenir et dire que les gens veulent la préférentielle. Ensuite, les 99 conservateurs vont dire qu'ils n'en veulent pas. Les 44 députés du NPD vont dire qu'il faut une proportionnelle. Tout cela est de la foutaise. C'est de la foutaise, toutes ces consultations », a lancé M. Thériault dans une entrevue à La Presse.

Pour rendre cet exercice légitime, M. Thériault estime que la population doit se prononcer lors d'un référendum - une position défendue aussi par le Parti conservateur.

« Dans ce débat, je veux que la population tranche la question. Je veux qu'elle soit partie prenante de la démarche. Pourquoi veut-on changer le système? On invoque le cynisme, la désaffection, le manque de participation citoyenne. On veut que la pluralité des voix qui s'expriment dans un débat démocratique dans la société au Canada puisse se retrouver au Parlement. Ce sont les raisons pour lesquelles on veut une réforme.  Mais si tu ne mets pas la population dans le coup, ça va rester un débat d'experts et de partis politiques. Si on veut que les gens retrouvent une confiance envers leurs institutions démocratiques, il faut qu'ils soient partie prenante », a-t-il affirmé.

M. Thériault estime d'ailleurs que la démarche du gouvernement Trudeau est mal ficelée si on la compare à ce qui a été fait au Québec. Au Québec, il a eu des États généraux et ensuite une commission parlementaire spéciale itinérante a mené des consultations sur un avant-projet de loi qui proposait la réforme électorale.

« Au Québec, le comité était formé d'un nombre équivalent de députés et de citoyens. Il y avait déjà un modèle qui avait été proposé. On consultait les gens sur quelque chose de concret. Il y avait un avant-projet de loi. Ici, nous n'avons rien devant nous. Nous avons juste des voeux pieux. (...) Ou bien ils vont bulldozer ou bien ils n'arriveront à rien. Je suis persuadé que si vous questionnez les gens dans le caucus libéral, ils vous diront qu'ils ne veulent pas vraiment de changement », a indiqué M. Thériault.

Selon lui, le gouvernement Trudeau pourrait assurer une meilleure représentation de la volonté de la population en réinstaurant la subvention pour les partis politiques sur la scène fédérale, abolie par les conservateurs de Stephen Harper.

S'il devait y avoir une réforme, le Bloc québécois va veiller au grain. « C'est sur que le Bloc québécois n'est pas là pour réformer la démocratie canadienne. Cela a toujours été notre position. Par contre, à partir du moment où on veut le faire, on va y participer en faisant attention aux intérêts du Québec et au poids du Québec dans cette réforme-là. »